Quand on prend les spectateurs pour des canards sauvages ou pourquoi on a sifflé le film publicitaire « Shalimar »

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Shalimar se veut une ode poétique à l’amour, la beauté, le temps qui passe, la mort.

De somptueuses images très travaillées, beaucoup d’effets numériques très réussis, des paysages à couper le souffle et une femme très belle : pourquoi la sauce n’a-t-elle pas pris ? Différentes raisons entrent en jeu.

Ne parlons pas du coût du film, nous sommes dans le domaine du luxe, secteur économique qui ne connaît pas la crise.

Ne parlons pas de l’actrice russe, mannequin de profession, aussi peu indienne et expressive que possible. Etre filmée à contre-jour dans des voilages transparents suffit-il à émouvoir le spectateur ?

Ne parlons pas de cette princesse passive qui se prélasse dans son bain pendant que son beau prince moustachu cavale un temps interminable dans les paysages du Rajasthan pour la rejoindre, cela n’émeut personne, cela irrite. Quand est-ce qu’il va enfin arriver ? Elle n’a rien d’autre à faire qu’à exhiber son beau visage inexpressif dans son harem de pacotille ? Que c’est long, mon Dieu que c’est long !

Ne parlons pas de la façon dont ce film a été annoncé, par petits bouts de bande annonce, photos alléchantes, etc. comme un film à ne pas manquer. Tout donnait à penser que ce film publicitaire, osons l’adjectif, avait oublié la raison pour laquelle il avait été commandité, une ode à la maison Guerlain, et qu’il allait révolutionner notre perception du cinéma.

Il est vrai que c’est bien de cinéma dont il s’agit : l’auteur de ce court métrage publicitaire est l’une des personnes les plus douées de sa génération, souvenez-vous par exemple de la publicité Perrier et plus récemment de la publicité Cartier qui utilisait les mêmes ressorts que Shalimar mais avec plus de bonheur. Un créateur brillant au service de l’industrie du luxe, ce qui n’est pas une tare mais une ambiguïté fondamentale. De la contrainte naît l’œuvre, bien sûr. Mais là nous n’avons une publicité présentée comme du cinéma d’auteur.

Les spectateurs se sont insurgés de ce glissement de statut : la publicité amuse, intrigue, fait rire, on l’accepte avant le film pour lequel le spectateur a payé sa place, elle est cadrée. En aucun cas il ne doit y avoir confusion. Le film Shalimar, outre sa longueur, a irrité les spectateurs par ce glissement vers l’œuvre d’auteur.

 

Oublions vite ce faux pas, la publicité doit rester à sa place. Beaucoup de réalisateurs sont passés par la publicité avant de construire leur œuvre, ne serait-ce pas le moment pour Bruno Aveillan de franchir le pas ?

 

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