Une forêt d’arbres creux, titre prémonitoire ?

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une forêt d'arbres creuxD’ordinaire, je me plonge dans les courts récits d’Antoine Choplin avec une confiance aveugle. D’avance je sais que le personnage choisi comme petit Poucet dans la sombre forêt des atrocités et erreurs humaines va me saisir, m’amener petit à petit vers l’essence du désarroi des victimes de la guerre (Le héron de Guernica), de Tchernobyl (La nuit tombée, livre admirable que j’ai oublié de chroniquer), ou des ravages sociaux dans le Nord de la France (Cour Nord).

Une forêt d’arbres creux ne fait pas exception à ce choix toujours judicieux de l’auteur d’un personnage phare dans la tourmente. Mais cette fois il a décidé de mettre en scène une personne qui a réellement existé, dans un cadre historique extrêmement contraignant. Il s’agit de Bedrich Fritta, dessinateur connu avant la seconde guerre mondiale, Bedrich Fritta se retrouve dans le camp de concentration de Terezin, en république tchèque, en décembre 1941, avec sa femme et son fils. Il intègre le bureau des dessins, participant le jour aux réalisations cosmétiques que l’on demande aux dessinateurs pour tromper les observateurs internationaux, dessinant la nuit le quotidien réel des prisonniers.

Ce dont ils parlent, c’est d’un colis qu’ils voudraient remettre clandestinement aux délégués de la Croix-Rouge au moment de leur venue. Trente œuvres soigneusement sélectionnées pour leur force de témoignage de la réalité du ghetto et qui feront savoir ce qu’ils vivent pour de bon à Terezin.

L’histoire se terminera tragiquement et Bedrich mourra, comme la plupart de ses compagnons. L’émotion devient palpable à la fin du livre :

À Bedrich, il faudrait pouvoir dire un mot de son compagnon, celui dont il distingue à l’instant la nuque froissée juste devant, et qui un de ces jours, plus tard, ferait le chemin du retour jusque chez lui. Il faudrait aussi le convaincre des aurores à venir pour son fils Tomi, qui survivrait lui aussi. Qu’il apprenne comment les routes de l’un et de l’autre se croiseraient, s’entrelaceraient même, Leo Haas recueillant chez lui le petit Tomi et veillant sur sa santé et son éducation. Qu’il puisse aussi, ce serait un bien, les imaginer l’un et l’autre, revenant ensemble des années après à Terezin, dénichant à l’abri des murs et des recoins du baraquement Magdebourg, certains de ses dessins à lui, restés tous ces temps dans leur cachette, dissimulés aux regards.

De tant de ses compagnons, on ne lui dirait rien. De Johanna non plus.

D’où vient que cela ne fonctionne pas, à part de très rares moments de grande émotion ? Est-ce qu’empoigner une réalité pareille dans un format si court et une écriture si épurée est impossible ? Est-ce  parce que la réalité est si écrasante, si hallucinante, qu’il est impossible de se mettre dans la peau du personnage sans trouver cela indécent ? Une forêt d’arbres creux, sujet magnifique où la sincérité de l’auteur ne peut être mise en doute, ne réussit pas là où tant de livres d’Antoine Choplin font mouche. On reste au bord du drame et de la sidération, incapables de pénétrer dans cette forêt d’arbres creux dont il manque la chair.

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