Archives de catégorie : Tribulations

Ricochets

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Samedi matin, au cercle de lecture de la médiathèque, une participante me parle d’un article du Messager :

— Tu verras, c’est le seul article de la page, je vais te le chercher tout de suite !

Et la voilà repartie sur son vélo, généreuse et enthousiaste.

Le Messager paraît le jeudi, cet hebdomadaire haut-savoyard est très lu dans notre région. L’article en question parle de mon roman La Perle des faussaires et transcrit l’interview accordée à un jeune journaliste pendant le salon du livre de Gaillard de manière très exacte.

Samedi après-midi je reçois un étrange coup de téléphone d’une femme âgée qui ne dit pas son nom. J’insiste, un peu mal à l’aise devant tant de réticences.

— Mon nom ne vous dira rien, mais mon nom de jeune fille est Van Meegeren. Je suis la petite-fille de Han.

Pendant plus d’un an j’ai suivi l’évolution de Han van Meegeren depuis son enfance douloureuse, ses débuts prometteurs de peintre jusqu’à l’effondrement de ses rêves, puis sa formation de faussaire. Je l’ai accompagné dans ses déboires et ses triomphes, ses tribulations entre la Hollande et le Sud de la France, noté ses énormes faiblesses et sa fragilité. Au bout d’un moment j’ai oublié qu’il était un faussaire, donc quelqu’un de malhonnête. L’ancien enfant malheureux qui désirait tant se faire aimer de son père gomme l’intelligent manipulateur des émotions de ses victimes.

Et voilà que cet homme, mort le 30 décembre 1947, me revient à travers la voix de cette petite-fille qu’il n’a pas connue ! Passé l’effet de surprise, la conversation s’est engagée. Jacques, le fils de Han, a eu deux filles, Michèle, née en 1939, et Chantal, née en 1942. C’est Chantal qui est au bout du fil. La vieille dame parle de sa famille, et raconte des choses qui appartiennent au domaine privé, je n’en parlerai donc pas ici. Ce qui nous étonne toutes les deux, c’est que nous habitons à une demi-heure l’une de l’autre depuis des décennies.

Les ricochets de cet article du Messager sur les eaux de la mémoire de Chantal ainsi que le télescopage de deux époques grâce à cet article régional me laissent songeuse.

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Pourquoi écrire un roman sur un faussaire ?

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« Pourquoi avoir choisi un faussaire comme personnage principal ? », me demande le jeune journaliste. Il n’a pas osé dire comme héros, parce que cela heurte son sens moral.

La raison principale, la plus évidente, est que la vie des faussaires célèbres est plus intense que celle de bien des héros de romans. Les faussaires d’exception sont avant tout des artistes, la plupart d’entre eux ont fait des études d’art, ils aiment les peintres qu’ils copient ou imitent. Il est vrai qu’ils exploitent leur don pour escroquer d’honnêtes collectionneurs, mais ils sont bien aidés par nombre de marchands d’art qui leur achètent leurs tableaux en toute connaissance de cause. Ils aiment l’argent pour le luxe et le prestige qu’il procure, la plupart d’entre eux sont flamboyants, originaux, de véritables célébrités de la jet set comme on dit. Les grands faussaires se lancent rarement seuls dans l’industrie du faux et travaillent avec leur femme la plupart du temps. Ils sont souvent eux-mêmes marchands d’art et finissent par être trahis, soit par une négligence, soit par les soupçons que suscite auprès des enquêteurs leur insolente réussite. La morale est sauve. Continuer la lecture

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Les affres d’un titre

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Écrire un roman est une chose (je vous expliquerai une autre fois pourquoi je me suis lancée dans cette histoire de faussaire), lui trouver un titre en est une autre. Pour tout vous avouer, je ne suis pas douée pour les titres. À moi les titres trop longs, ou les noms incompréhensibles comme l’Anthogrammate : qui pouvait savoir que celui-ci est un spécialiste du langage des fleurs ? Le flop était assuré. Bon, je me rassure en me disant que les lecteurs se souviennent parfois approximativement du titre du livre qu’ils cherchent, même s’il est très bon comme Le Silence des agneaux. Une amie libraire m’avait raconté qu’une cliente était venue chercher Le Silence des moutons…

Le titre d’un roman doit donner une idée du contenu tout en titillant la curiosité et l’imagination des futurs lecteurs, nous sommes d’accord. Mais quel titre donneriez-vous pour la vie d’un faussaire, un sale type alcoolique, cocaïnomane, amateur de jeunes prostituées, que sa femme et ses enfants ont pourtant soutenu pendant les pires moments de sa vie ? Un bon père, mais un escroc, incapable de voir les souffrances de la population néerlandaise pendant les deux guerres mondiales ? Cet individu dépassé par les événements qui a été obligé de vendre un faux Vermeer à Göring ? Cet ancien enfant méprisé par son père qui a essayé désespérément de lui montrer sa valeur ? Cet homme passé en quelques jours d’individu le plus haïssable de Hollande à la personnalité préférée des Néerlandais ? Cet homme détestable auquel on ne peut s’empêcher de s’attacher ? Continuer la lecture

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L’Envol du sari début octobre aux éditions Les Escales

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L'envol du sari, par Nicole GiroudIl y a longtemps que je travaille sur ce roman, je vous en ai parlé à maintes reprises et je ne vais pas revenir là-dessus.

Enfin il sort début octobre, aux éditions Les Escales, ce roman qui mêle les plus hauts sommets d’Europe et de l’Inde, les débuts chaotiques de cette république du sous-continent indien avec le calme de la vie quotidienne d’une petite ville de Haute-Savoie, une haut-fonctionnaire indienne avec un romancier français très susceptible.

L’héroïne est flamboyante : elle s’appelle Rashna, ce qui signifie « la création », et c’est bien de cela dont il s’agit, puisque notre romancier fragile devra rendre la vie à celle-ci sous la surveillance de la fille de l’héroïne. Pour l’avoir vécu avec l’écriture d’une biographie romancée, je sais que les familles ne sont jamais contentes du portrait qui leur est renvoyé du héros ou de l’héroïne de la famille, à moins de flagornerie et de complaisance manifestes de l’écrivain.

Exercice de haute-voltige pour Quentin, mais aussi incursions de sa vie privée qui influe sur l’écriture du roman, tout est lié : la culture et la religion de l’héroïne, la façon peu glorieuse dont les dépouilles des victimes des deux crashes indiens ont été traitées, la découverte de la fascinante religion parsie, le choc des différences sociales, tout se mêle dans ce texte qui j’espère vous apprendra beaucoup de choses, vous fera sourire parfois, vous séduira souvent tant Rashna vous fera rêver.

Coups de cœur (les plus récents d’abord) :

Critiques (les plus récentes d’abord) :

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Étranges hasards

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BossonsCela fait plusieurs années que je travaille sur un roman dont le cadre spatial et temporel est double : d’un côté la Haute-Savoie avec des allers retours à Genève, de nos jours, de l’autre l’Inde et la ville de Bombay essentiellement durant les débuts de ce grand pays. Pourquoi cela ? Parce que deux catastrophes aériennes se sont produites sur le massif du Mont-Blanc, à 300 mètres de distance l’une de l’autre et à seize ans d’écart.

Les seuls avions civils qui se sont jamais écrasés sur le Mont-Blanc étaient indiens. Vous avez sans doute entendu parler du Malabar Princess, popularisé par un film avec Jacques Villeret, film que je n’ai toujours pas vu. Cette catastrophe a été extraordinairement médiatisée en 1950, avec des journalistes venus du monde entier. L’autre avion contenait beaucoup plus de victimes (dont le père de la bombe atomique indienne). Mais je gage que vous n’avez jamais entendu parler du Kangchenjunga, l’avion qui portait le nom du plus haut sommet de l’Inde venu s’écraser sur le plus haut sommet d’Europe. Et pour cause : le secret qui a entouré la catastrophe était le miroir inversé de ce qui s’était passé seize ans plus tôt. Site défendu d’accès pendant des années, survolé par des hélicoptères, journalistes interdits, confiscation de matériel…

Ne parlons pas des zones obscures entourant ces deux crashes, il y aurait de quoi écrire toute une série de romans policiers. Un seul point à retenir : tous les éléments concernant le crash du Kangchenjunga en 1966 sont classés secret défense.

J’ai déjà relaté sur mon blog les circonstances qui m’ont fait m’intéresser à ces crashes.

Lorsque j’ai découvert que parmi les 117 passagers de l’avion seuls sept corps étaient intacts, dont celui d’une Indienne retrouvée nue sur le glacier, ce fut comme une révélation : cette jeune femme serait l’héroïne de mon roman, je reconstituerais sa vie.

Seulement elle était morte depuis si longtemps, on sait bien que l’on meurt vraiment quand plus personne ne pense à nous. Qui pouvait penser encore à la belle femme décrite par le rapport de gendarmerie de Chamonix à part ses enfants ? Le personnage secondaire, celui qui sert de passerelle entre la morte du glacier des Bossons et la reconstitution possible de sa vie, fut d’abord un homme. Mais au bout d’une centaine de pages, j’aboutissais à une impasse. C’est ainsi que mon moustachu aux yeux de braise céda la place à une quinquagénaire réservée à la longue tresse, fonctionnaire internationale à Genève.

Après un cheminement repris dans le roman qui aboutissait à la conclusion qu’elle ne pouvait être que parsie, ethnie fascinante et mystérieuse, la jeune femme vêtue de ses seuls bijoux se prénomma Rashna et sa fille qui avait vécu plus longtemps qu’elle Anusha. J’ai doté notre haut-fonctionnaire d’une redoutable assistante : Marie-Amélie. Je ne vais pas vous raconter l’histoire, seulement une de ses suites.

Le compagnon de ma vie pratique la généalogie, et une de ses dynamiques collègues Mimi. Je ne l’ai jamais rencontrée. Lors des échanges de vœux rituels de nouvel an, mon mari apprend que la fille de sa collègue se prénomme Marie-Amélie. Il explique le sujet de mon roman et parle du prénom de l’assistante de Anusha, prénom qu’il me semble avoir choisi par hasard.

Stupéfaction de Mimi : un prénom si particulier, comment avais-je pu le choisir ? L’histoire ne s’arrête pas là : je raconte dans le roman que le glacier des Bossons recrache les débris des deux avions, il coupe l’acier en morceaux, je vous laisse à penser ce qu’il fait des corps… Je laisse la parole à Mimi :

Alors ça c’est étrange ! Car dans les années 70 je faisais une sortie école de glace avec un groupe dans le glacier des Bossons, et en passant d’une crevasse à une autre pour en choisir une bien sympa à cramponner pour s’entraîner et… Nous avons trouvé… une petite main qui s’arrêtait un peu au-dessus du poignet, très fine et brune. Elle ressortait du fond du glacier sans doute et se trouvait juste sous une petite pellicule de glace ! Je me souviens qu’aux alentours il y avait des petits bouts de métal dispersés. Que faire ?? et en faire quoi ???

Mimi raconte la suite :

Le guide de Servoz qui était avec nous a redescendu cette petite main et l’a fait enterrer par le prêtre de la paroisse (et qui était également un montagnard) dans le cimetière de Servoz !

Troublant, vraiment !

Il est courant de trouver sur le glacier des objets, des papiers ou… des pierres précieuses.

On trouve en effet des débris de corps humains remontés des crevasses où les guides les avaient jetés pour rendre le glacier propre pour les touristes qui font l’ascension du mont Blanc. Par contre, cette petite main indienne pieusement ramenée par le guide au prêtre de sa paroisse, le même respect de la part de ce prêtre qui a enterré la main dans le cimetière, c’était comme si mon roman se poursuivait, comme si ces deux catastrophes n’en finissaient pas de poursuivre la montagne et ceux qui l’arpentent.

Mimi relate un souvenir des années 70 ; depuis le glacier a effectué l’essentiel de sa lente digestion. Il ne reste plus qu’à publier l’histoire de Rashna la belle Indienne pour que la mémoire reste, que le souvenir de ces gens venus de si loin mourir sur le toit de l’Europe ne s’évanouisse pas. Le roman a changé de titre, il s’appelle Des rapaces et des hommes, titre plus conforme à la fois à la façon dont on a traité les dépouilles des victimes et aux coutumes religieuses parsies.

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