Pourquoi écrire un roman sur un faussaire ?

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« Pourquoi avoir choisi un faussaire comme personnage principal ? », me demande le jeune journaliste. Il n’a pas osé dire comme héros, parce que cela heurte son sens moral.

La raison principale, la plus évidente, est que la vie des faussaires célèbres est plus intense que celle de bien des héros de romans. Les faussaires d’exception sont avant tout des artistes, la plupart d’entre eux ont fait des études d’art, ils aiment les peintres qu’ils copient ou imitent. Il est vrai qu’ils exploitent leur don pour escroquer d’honnêtes collectionneurs, mais ils sont bien aidés par nombre de marchands d’art qui leur achètent leurs tableaux en toute connaissance de cause. Ils aiment l’argent pour le luxe et le prestige qu’il procure, la plupart d’entre eux sont flamboyants, originaux, de véritables célébrités de la jet set comme on dit. Les grands faussaires se lancent rarement seuls dans l’industrie du faux et travaillent avec leur femme la plupart du temps. Ils sont souvent eux-mêmes marchands d’art et finissent par être trahis, soit par une négligence, soit par les soupçons que suscite auprès des enquêteurs leur insolente réussite. La morale est sauve.

Si je résume, la vie d’un flamboyant faussaire est pleine d’aventures et de rebondissements, mi-roman d’espionnage, mi-roman policier, avec amour, jeu de cache-cache avec la police, véritable partie d’échec avec les experts et les collectionneurs, etc. Bref difficile de faire plus palpitant.

Oui, mais pourquoi Han van Meegeren plutôt qu’un autre ? Il coche toutes les cases du jeu de l’Oie du monde de l’art, mais il possède quelque chose de plus que les autres : le contexte historique. Il a traversé deux guerres mondiales, et la deuxième a provoqué sa gloire et sa chute. Il a d’abord été reconnu comme peintre avant d’être assassiné par la critique, alors que ses « collègues » ont été reconnus après la découverte de leur imposture et la case prison. Surtout il était en parfaite osmose avec les artistes dont il prolongeait l’œuvre : Vermeer, le plus célèbre d’entre eux, a vu sa cote augmenter grâce à lui, ce qui est rarissime. Voici les premières raisons de mon choix. Les autres sont plus intimes et dues à la complexité de la personne.  La célébrité des tableaux qu’il avait créés lui causait une grande satisfaction, mais une souffrance plus grande encore : personne ne savait que c’était lui qui avait peint ces merveilles, et il a préféré tout perdre pour être enfin reconnu. C’était un ancien petit enfant toujours dénigré par son père, et il n’a jamais réussi à s’en faire aimer. Cela rend ce personnage mégalo, malhonnête, alcoolique, drogué, infidèle, etc., poignant et beaucoup plus attachant que tous les résumés que l’on peut trouver sur Internet.

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