Archives de l’auteur : Nicole Giroud

L’Affranchie, western créatif et récréatif

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Bridget a seize ans, elle est rousse, belle et plutôt insolente. Elle vient de perdre son père, et marche dans la prairie jusqu’à ce qu’elle atteigne une petite ville de l’Ouest où elle se retrouvera bientôt pensionnaire dans le bordel de la ville, le Buffalo Queen.

Nous nous trouvons dans l’Ouest américain, avec un shérif, des bandits, des cow-boys et des fusillades, mais pas d’Indiens à l’horizon. On ne quitte pratiquement pas le bordel (même pour assister à une pendaison les filles ne quittent pas le balcon), on croit entendre le beuglant, les filles aguichent et boivent du thé pendant le service, nous sommes dans un western. Mais féministe, le western, avec les femmes qui s’épaulent, se jalousent parfois. Les prostituées (au grand cœur, souvent mais à la faible cervelle) servent habituellement de décor dans les westerns, mais là elles tiennent le rôle principal et les hommes sont réduits à leur fonction et leur désir animal. Continuer la lecture

L’Affranchie
Claudia Cravens
traduction de l’anglais(États-Unis) par Carine Chichereau
Éditions Les Escales, août 2024, 352 p., 23€
ISBN : 978-2-36569-792-7

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L’homme qui prie

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Il prie dans l’église désertée. Seul face à toutes ces bougies allumées comme autant de requêtes, il joint la sienne. Les yeux levés vers un Christ miséricordieux invisible, il attend un signe, un conseil ou une consolation peut-être. Il est à genoux sur le premier banc en face de l’autel, les avant-bras sur le prie-Dieu. La lumière tremblotante des bougies éclaire la ligne discontinue, le bois s’est usé aux endroits le plus souvent utilisés par les fidèles.

L’obscurité et la procession des bougies qui se consument, mes pas qui résonnent, et lui tout seul avec son pull rouge posé sur ses épaules, un homme élégant tout seul dans son échange muet avec Dieu.

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Les semeuses d’espoir et de révolte de Diane Wilson

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Le superbe premier roman de l’autrice amérindienne Diane Wilson, best-seller aux États-Unis en 2022, nous est parvenu deux ans plus tard avec la belle traduction de Nino S. Dufour aux éditions Rue de l’échiquier. Celui-ci commence par un poème et finit par une prière, et entre ceux-ci trois femmes appartenant à des époques différentes nous transmettent la tragédie de l’oppression coloniale américaine et la force de l’espoir des Amérindiennes.

Le titre original en anglais, The Seed Keeper (la gardienne des semences) renvoie à l’une des premières femmes Dakhotas qui avaient compris que, après la guerre que les Indiens Sioux du Minnesota venaient de perdre face aux colons blancs, il faudrait nourrir la tribu. Elles avaient caché les graines dans les ourlets de leur jupe pour assurer la survie de leur peuple.

Le titre choisi en français, Les Semeuses, renvoie aux diverses héroïnes du roman et à leur sens de la  transmission.

Où que je regarde, je voyais les graines tenir la trame du monde, elles peuplaient les forêts, couvraient les prés de fleurs sauvages, germaient dans les brèches des trottoirs ou restaient en sommeil jusqu’à ce qu’advienne le moment tant attendu, signalé par le feu, la pluie ou la chaleur. Elles remplissaient les supermarchés. Les graines respiraient et parlaient une langue à elles. Chacune d’entre elles contenait, telle une minuscule capsule temporelle, des années d’histoire dans sa tendre chair. Je me sentais si ignorante à côté du génie contenu dans une simple graine. […]

Je comprenais peu à peu que lorsqu’on garde ces graines, lorsqu’on sélectionne lesquelles replanter, nos vies s’entrelacent aux histoires de vie de ces plantes. (p.242-243)

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Les Semeuses
Diane Wilson
traduit de l’anglais (États-Unis) par Nino S. Dufour
Éditions Rue de l’échiquier, mars 2024, 384 p., 24 €
ISBN : 978-2-37425-440-1

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Dessin et texte de restitution

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Jean-Claude Golvin est un archéologue spécialiste de la restitution par l’image des grands sites de l’Antiquité, et ses dessins magnifiques rendent vie à des époques oubliées. On appelle son travail du dessin de restitution.

Ce dernier précise :

Un dessin de restitution est un dessin qui a des fondements. Ça n’est pas quelque chose qu’on invente. Il n’est pas fait pour faire joli uniquement. Il est fait pour valoriser les résultats qu’on a atteints au prix d’une recherche. Tout le travail est en amont.

Et le travail est important, parce que le dessin de restitution n’entend pas seulement redonner une image des monuments disparus, mais montrer la façon dont ils ont été construits.

Nemausus (Nîmes), vue de la fin du chantier du grand amphithéâtre au début du IIe siècle après J.-C. – Jean-Claude Golvin
France Culture, 3 janvier 2025

Cela m’a troublée. Au fond, qu’ai-je fait d’autre en écrivant La Perle des faussaires ? J’ai essayé de restituer la vie enfouie de Han van Meegeren et celle d’une époque à jamais disparue, bien sûr, mais pas seulement. J’ai voulu comprendre comment il était devenu le plus grand faussaire du vingtième siècle. Ce n’est pas une carrière que l’on décide d’adopter enfant, à moins que, comme Jacques, le fils de Han, on ait vu les avantages de ce choix. J’ai voulu retracer les étapes de la vie de Han qui l’ont conduit à devenir ce qu’il était. Un peu comme le dessin de la construction de sa personnalité.

La vie étonnante de cet individu fragile et malhonnête se décline en une succession d’épisodes qui se complètent en autant de pierres de l’édifice final. La Perle des faussaires n’a rien de commun avec une biographie avec notes en bas de page, c’est un texte de restitution.

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La guerre sans fard d’Olivier Norek

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Olivier Norek nous plonge dans la Guerre d’Hiver, les cent jours d’une guerre atroce dont nous ne savons rien. Parce que cela se passait en novembre 1939 pendant la « drôle de guerre » ? Parce que les Alliés, en particulier la France, se sont comportés d’une façon dont personne n’a eu envie de se souvenir ? La lâcheté fait tache dans les livres d’histoire.

La Finlande est un pays neutre depuis son indépendance en 1917, elle est dotée d’une armée mal équipée, mal armée, aux effectifs ridicules face à son puissant voisin. Voilà que Staline veut les terres de Finlande qui permettront à ses troupes de manœuvrer facilement dans la guerre. Il pense avaler la petite Finlande d’un battement de cil. L’auteur emploie une majuscule pour tout ce qui se rapporte à celui dont on n’ose prononcer le nom, celui à qui l’on s’adresse en tremblant, Lui le dieu cruel et tout puissant qui a des millions de morts à son actif. Ses représentants les commissaires du peuple ont tout pouvoir et les militaires ne contestent aucune de leurs décisions, aussi aberrantes soient-elles.

L’auteur raconte d’abord l’été de ces paysans heureux avant la grande boucherie de l’hiver, quand les appelés viendront défendre leur pays avec un héroïsme sans faille. En face d’eux, si peu nombreux, l’armée de l’Ogre russe, inépuisable réserve de chair à canon venue de toutes les républiques de l’Union.

Les Finlandais résistent, à la grande colère de Staline. Continuer la lecture

Les Guerriers de l’hiver
Olivier Norek
Michel Lafon, août 2024, 448 p., 21,95€
ISBN : 978-2-7499-4720-4

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