Dans son roman Les éléments John Boyne reprend la théorie de l’antiquité selon que la matière de l’univers était composée de quatre éléments : l’eau, la terre, le feu et l’air. Cela lui permet de mettre en scène quatre personnages qui se croisent ou s’affrontent autour de la thématique de l’abus sexuel et de tout ce qui peut en dériver.
Vanessa se réfugie dans une petite île de Cornouailles pour mettre à distance le séisme qui a ravagé la vie de sa famille. Aurait-elle pu empêcher le désastre si elle avait compris l’appel au secours de sa fille Emma ?
Non, balbutiai-je d’une voix éteinte tout en secouant la tête, refusant d’admettre ne serait-ce qu’un instant que ce qu’elle suggérait était possible. Non, c’est faux. Il ne ferait jamais ça. Impossible. Tu te trompes. Il ne ferait jamais une chose pareille à sa propre fille. Il l’aimait. Pourquoi tu dis ça ? Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Mais bon sang, qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? (p.104)
Evan quitte l’île en même temps que Rebecca. L’adolescent fuit la honte que lui vaut son homosexualité. Il fuit son père qui voit en lui un grand footballeur alors qu’il rêve de devenir peintre. Mais la réalité le rattrape, il se retrouve avili lorsqu’il se prostitue, devient footballeur. Lorsqu’il se retrouve accusé de complicité dans un viol qu’il a filmé, sa vie bascule.
La docteure Freya Petrus, cheffe de service des grands brûlés, a subi de graves sévices lorsqu’elle avait douze ans de la part d’ados de quatorze ans. Elle ne peut s’empêcher de s’intéresser aux garçons de quatorze ans.
Il n’a rien à craindre. C’est plutôt moi qui pourrais avoir peur.
Après tout, un médecin spécialiste des grands brûlés devrait savoir qu’il vaut mieux ne pas jouer avec le feu. (p.267)
Aaron Umber ne s’est jamais remis de son viol, lorsqu’il avait quatorze ans, par une femme adulte et cela a contribué au naufrage de son couple. Il part avec son fils Emmet, quatorze ans, rejoindre son ex-femme Rebecca sur l’île où son ex-belle-mère Vanessa a voulu être enterrée.
Voici la trame de ce roman qui démontre que tout est lié alors que les éléments sont indépendants. En fait, que l’on change d’époque, de lieu, de statut, si l’on a vécu quelque chose de terrible cela nous poursuit, avec son lot de culpabilité et d’impossibilités à avancer.
Chaque récit semble indépendant, mais le lecteur comprend vite qu’il est pris dans une toile. Cette impression est décuplée par le choix de l’auteur de faire s’exprimer le héros de chaque récit à la première personne, supprimant toute distance pour le lecteur. C’est particulièrement éprouvant et dérangeant concernant l’élément feu qui nous brûle et nous glace tout à la fois. Le terrible passé d’un criminel excuse-t-il ses crimes ? La violence se retrouve à différents endroits du roman, et la haine, et la cruauté. Mais l’amour aussi, avec des personnages lumineux comme le prêtre nigérian de l’île, dont le prénom Iféchi signifie « lumière de Dieu ».
Dans ce roman où présent et passé s’entremêlent parce que nos vies sont tissées de tous ces fils, même ceux que l’on voudrait enlever, culpabilité, remords et impuissance ne peuvent être contrebalancés que par l’amour, et la fin du roman laisse entrevoir une lumière.
Tous les éléments se mêlent pour revenir à l’eau primordiale, comme une chaîne dont il faut se libérer mais accepter la réalité.