Les affres d’un titre

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Écrire un roman est une chose (je vous expliquerai une autre fois pourquoi je me suis lancée dans cette histoire de faussaire), lui trouver un titre en est une autre. Pour tout vous avouer, je ne suis pas douée pour les titres. À moi les titres trop longs, ou les noms incompréhensibles comme l’Anthogrammate : qui pouvait savoir que celui-ci est un spécialiste du langage des fleurs ? Le flop était assuré. Bon, je me rassure en me disant que les lecteurs se souviennent parfois approximativement du titre du livre qu’ils cherchent, même s’il est très bon comme Le Silence des agneaux. Une amie libraire m’avait raconté qu’une cliente était venue chercher Le Silence des moutons…

Le titre d’un roman doit donner une idée du contenu tout en titillant la curiosité et l’imagination des futurs lecteurs, nous sommes d’accord. Mais quel titre donneriez-vous pour la vie d’un faussaire, un sale type alcoolique, cocaïnomane, amateur de jeunes prostituées, que sa femme et ses enfants ont pourtant soutenu pendant les pires moments de sa vie ? Un bon père, mais un escroc, incapable de voir les souffrances de la population néerlandaise pendant les deux guerres mondiales ? Cet individu dépassé par les événements qui a été obligé de vendre un faux Vermeer à Göring ? Cet ancien enfant méprisé par son père qui a essayé désespérément de lui montrer sa valeur ? Cet homme passé en quelques jours d’individu le plus haïssable de Hollande à la personnalité préférée des Néerlandais ? Cet homme détestable auquel on ne peut s’empêcher de s’attacher ?

Nous marchions sur le chemin que nous avons arpenté des milliers de fois depuis quarante ans, mon mari et moi, lorsqu’il s’est arrêté : « Et pourquoi pas la perle des faussaires ? »  Han van Meegeren, en créant ses faux Vermeer, a considérablement augmenté la cote du peintre, on a même considéré que c’était les plus beaux tableaux qu’il avait jamais peints ! Et la Jeune fille à la perle est le tableau emblématique de Vermeer ! Han (depuis le temps, il était devenu un familier de la maison Giroud) est bien la perle des faussaires, puisqu’il a peint les tableaux que Vermeer, selon lui, aurait dû peindre s’il n’était pas mort si jeune. Il les a peints avec respect, fidélité à la méthode et aux pigments du maître, il a augmenté sa cote auprès des musées et des collectionneurs. Il n’a pas fait de mal aux peintres qu’il a plagiés, il les a respectés. C’était une perle.

Nous avons continué notre promenade dans l’allégresse, tout nous paraissait plus beau, les verts plus tendres, les bruns plus profonds.

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