L’échange de princesses sur l’échiquier européen

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l'échange des princessesEn 1721 le Régent Philippe d’Orléans imagine une double alliance entre la France et l’Espagne pour supprimer tout risque de guerre entre les deux grands états catholiques : deux mariages princiers au plus haut niveau de l’état. Le roi de France épouserait l’infante d’Espagne et le futur roi d’Espagne, le prince des Asturies, Mademoiselle de Montpensier la fille du Régent.

Un échange de princesses.

« Si le prince des Asturies a quatorze ans, la fille du Régent n’en a que douze. Louis XV, né le 15 février 1710, va vers ses douze ans. Quant à Anna Maria Victoria, infante d’Espagne, elle est née le 31 mars 1718. La future épouse de Louis XV et reine de France n’a pas encore quatre ans ! »

Le roi d’Espagne, Philippe V et sa deuxième épouse Elizabeth Farnèse trouvent cette idée magnifique. Les deux princesses partent donc, chacune de leur côté, en plein hiver sur les routes de France et d’Espagne, livrées aux cahots de la route, aux embourbements du carrosse, à l’insécurité et aux épidémies. Dur voyage de part et d’autre.

L’échange a lieu sur l’île aux Faisans, le 9 janvier 1722. Désormais chacune doit oublier sa propre langue et adopter celle qu’elle gardera jusqu’à sa mort.

Théoriquement.

Car rien ne se passe comme prévu.

La petite Anna Maria Victoria est une petite fille qui attire tout le monde tellement elle est vivante, charmante et jolie. En même temps son extrême maturité et sa gentillesse emportent tous les cœurs, sauf celui de son époux, le très jeune Louis XV.

Louise Elizabeth l’adolescente ombrageuse et fantasque découvre les coutumes espagnoles ; pour sa première sortie on lui offre un autodafé :

« Et les derniers, qui sont-ils ? demande-t-elle en pointant du doigt les condamnés qui ferment la marche, et s’avancent pieds nus, bâillonnés, un cierge à la main.

­— Ceux-là sont les irrécupérables, ceux qui résistent dans leur aveuglement, persévèrent dans le mal, les obstinés, les récidivistes, les hérétiques, les maudits. Ils sont les non reconciliados, les non-réconciliés.

­— Et qu’est-ce qu’on va leur faire ?

— Les brûler vifs, Sa Seigneurie. »

Et, accompagnant son geste d’un mince sourire, l’interlocuteur désigne la rangée de bûchers, les branches de bois accumulées. Il s’attend à ce qu’elle admire. Elle a seulement hoché la tête. Le prince, son époux, précise ­ est-ce une attention spéciale pour elle, pour sa féminité ? ­ que dans cet autodafé il y a onze femmes, onze hérétiques condamnées.

Choc culturel et peut-être premier vacillement de la santé psychique de la future reine d’Espagne.

De son côté la petite Anna Maria Victoria subit d’autres sortes de cruautés, plus raffinées sans doute, à la cour de France.

La suite, les grains de sable qui détruiront cette belle permutation, vous la découvrirez dans la suite de ce livre cruel et instructif.

Ce roman ponctué d’extraits de lettres des princesses et de nombreux documents d’époque nous montre la vie des princesses au plus près de la réalité sans jamais prendre la place de celles-ci, avec une précision d’entomologiste décrivant la minuscule créature dans sa cage de verre. Parfois une sensation d’étouffement submerge le lecteur, une lenteur le saisit, j’allais écrire une langueur. Quelle subtilité d’avoir su rendre d’une écriture tantôt nerveuse, tantôt obsessionnelle, la folie de l’Etiquette qui règne à la cour de Versailles et la chape de plomb de la religion qui étouffe Louise Elizabeth.

Quelle cruauté aussi, et quelle réussite éblouissante !

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2 réflexions sur « L’échange de princesses sur l’échiquier européen »

  1. NikoleG

    Bonjour, je vois avec plaisir que cette lecture a tenu toutes ses promesses… De celles qui nous font penser que nous n’avons pas perdu notre temps !

    1. Nicole Auteur de l’article

      Et c’est grâce à votre belle critique sur votre blog que j’ai lu ce livre, merci encore! Je n’ai pas eu le réflexe de citer mon inspiration dans mon texte, cela ne se reproduira pas!

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