Un peu partout dans le monde, au printemps on célèbre les femmes qui ont transmis la vie et cette fête des mères existait déjà chez les grecs et les romains. La sculptrice Louise Bourgeois a célébré sa mère en créant en 1999 une sculpture gigantesque d’araignée qui est devenue aussi célèbre que contestée. Comment peut-on appeler une araignée « maman » ? s’interrogent beaucoup d’occidentaux qui éprouvent une répulsion profonde pour les arachnides. L’artiste leur répond :
L’araignée est une ode à ma mère. Elle était ma meilleure amie. Comme une araignée, ma mère était une tisserande. (…) Comme les araignées, ma mère était très intelligente. Les araignées sont des présences amicales qui dévorent les moustiques. Nous savons que les moustiques propagent les maladies et sont donc indésirables. Par conséquent, les araignées sont bénéfiques et protectrices, comme ma mère.
Lorsqu’on se trouve sous les pattes de Maman (elle mesure environ dix mètres de haut), on se trouve partagé entre le sentiment de protection et d’étouffement de ce cocon, ces pattes si fines, si fragiles d’apparence et pourtant si protectrices ! Impossible de ne pas penser à sa propre mère ou à sa propre maternité. Une femme est prête à tout pour défendre ses petits. « Maman lionne » disait ma fille avec tendresse.
Elle ne savait pas que Louise Bourgeois avait connu en dehors de toute référence biographique une intuition d’artiste fulgurante : le symbole absolu de la maternité est l’araignée. Aucune créature vivante ne peut aller plus loin dans le sacrifice d’elle-même pour sa progéniture, le fameux sac d’œufs de marbre que Louise a accroché à son abdomen.
La plus grande partie des araignées prennent soin de leurs œufs mais aussi des petits après leur éclosion.
Diae ergandros sacrifie sa vie pour ses petits qui naissent dans son abdomen et la dévorent vivante.
Stegodyphus lineatus est une “matriphage”, c’est-à-dire qu’elle offre son propre corps à manger à ses petits. Dès qu’elle est fécondée elle se met à manger d’énormes quantités de nourriture et dès que ses petits sont nés, elle régurgite ce qu’elle a mangé. Pendant deux semaines elle leur offre des fluides qui contiennent ce qu’elle a mangé mais aussi ses propres organes internes. Ensuite les petits qui ont pris des forces escaladent le corps de leur mère et percent son abdomen.
Il ne reste qu’un squelette desséché de celle qui s’est sacrifiée pour ses enfants.
Qu’elle soit vivante ou morte, maman araignée s’occupe de ses enfants. N’est-ce pas ce que chaque enfant souhaite ou devrait souhaiter, dans un coin de sa mémoire, que sa mère soit toujours là pour lui ?
Que ce soit à Paris, Bilbao, Ottawa, Séoul ou Saint Petersbourg, on a installé une réplique de « maman ». L’occasion de réfléchir au sens d’une œuvre et à celui de l’amour total.
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J’ignorais tout à fait ce sens maternel sacrificiel… mais n’ai aucune peur des araignées, et ne les vois pas comme des être répugnants. Et à présent je les vois encore avec plus de bienveillance… et d’affection!