Poisons de Dieu, remèdes du Diable, errements africains

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Comment résister à un titre pareil : Poisons de Dieu, remèdes du Diable ? Voilà une Afrique issue de la colonisation portugaise : l’auteur, Mia Couto est mozambicain et vit dans son pays. Il nous raconte une histoire étrange où nous nous égarons, entre fascination, malaise et parfois irritation.

Nous sommes en dehors de tout cadre de référence, déboussolés, piégés avec le jeune médecin Sidonio Rosa dans une ville étrange, Vila Cacimba où une épidémie s’est déclarée. Le jeune homme est venu en tant que coopérant ; il cherche la jeune fille dont il est tombé amoureux dans cet endroit improbable où habitent les parents de celle-ci.

Le père de Deolinda, Bartolomeu, l’ancien mécanicien de marine qui n’en finit pas de mourir, et sa femme Dona Munda entretiennent un rapport d’amour haine plutôt original :

« Dona Munda a cinquante ans. Elle connaît son âge. Mais ne paraît pas certaine d’être vivante. Elle est sûre de son veuvage anticipé. Dans Vila Cacimba, on la connaît comme « semi-veuve ». D’où sa maison toujours sombre. Le deuil déjà en place préserve en cas d’urgences impromptues ; on anticipe le désévénement. Et ce n’est pas l’avis contraire du médecin qui lui vole sa certitude : son mari ne tarderait pas à se définitifier ».

Tout le style du roman se trouve dans cet extrait : il est difficile de démêler ce qui appartient à la traductrice, Elisabeth Monteiro Rodrigues, ou à l’auteur dans ce foisonnement de créations, néologismes troublants et renouvellements de métaphores. Une langue magnifique, pleine d’un sel piquant qui transforme les mots et la réalité en une pâte violente ou poétique :

« Cette nuit-là, le clair de lune envahissait les rues vides de la ville comme la marée remplit la mer. « C’est l’époque de la lune », disait-on, comme si le clair de lune était un fruit de saison ».

Sidonio est venu par amour pour Deolinda : « Cette nuit-là, ils fondirent, mains de potier délestant l’autre de son poids. Cette nuit-là, le corps de l’un fut le drap de l’autre. Et ils furent tous les deux oiseaux car ils se retrouvèrent en un temps, avant que la terre existe. Et quand elle cria de plaisir, le monde devint aveugle : un moulin de bras se défit au vent. Et plus aucune destination n’existait. »

Sidonio cherche Deolinda, mais a-t-il une réalité autre que celle de l’étranger ? « Au fond, le Portugais n’était pas une personne. Il était une race qui marche solitaire sur les sentiers d’une ville africaine ».

Quelle langue magnifique, vraiment ! Mais l’intrigue est évanescente, à la limite de l’inconsistance. De faux semblants en mensonges en cascade,  nous sommes perdus. La narration s’étiole et on en vient à penser que nous n’avons affaire qu’à des bavardages. A un moment donné l’auteur glisse : « Il y avait trop d’intrigues pour peu de personnages », c’est parfaitement exact.

Très vite nous comprenons que tout le monde ment dans cette histoire, le médecin n’est pas médecin, les parents ne sont pas les parents de Deolinda, etc. Trop de mystères, d’intrigues, de retournements dans un roman sans action dont les seuls charmes sont l’étrangeté et la langue, ce qui n’est déjà pas rien, je vous l’accorde.

« Il se laissait exister avec la même inertie que les ongles qui poussent ».

On peut dire la même chose du roman qui aurait gagné à moins de nonchalance, quitte à se cogner aux contradictions de cette prose flamboyante.

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2 réflexions sur « Poisons de Dieu, remèdes du Diable, errements africains »

    1. Nicole Auteur de l’article

      Merci beaucoup Linda: je ne connais pas « l’accordeur de silence » et je vais réparer cette lacune.
      Bonne chance pour votre blog!

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