Voilà du truculent, de l’hénaurme, de l’inventif : ami lecteur qui aime la subtilité et la finesse, passe ton chemin.
Le fémur de Rimbaud nous raconte les aventures drolatiques et mouvementées de Majésu Monroe, brocanteur de son état, et de Noème, perverse petite personne devenue son épouse.
Majésu ? Contraction de Marie-Jésus-Joseph pour exprimer l’effarement ou Mais Jésus pour indiquer la perplexité ? Le héros de cette histoire ubuesque oscille entre le grand guignol et le cinéma des frères Cohen.
Majésu, artiste de la brocante, ne propose que de l’exceptionnel :
« Parmi les merveilles exposées, le collectionneur n’avait que l’embarras du choix, une chaussette d’Arthur Rimbaud avec un trou au gros orteil (le trou était d’Arthur, la chaussette de sa mère), un os de la main de Napoléon, une éprouvette (étanche) contenant la vérole d’Alfred de Musset, un bocal (étanche) rempli de morpions anglais vieux de trois siècles en bon état de conservation.
Une de mes fiertés était d’avoir réussi à me procurer le tube digestif de Pantagruel. J’ai dû m’en séparer pour payer l’assurance de la camionnette.
Mon catalogue affichait huit centaines de raretés, dont la plupart étaient si rares qu’elles mériteraient d’être qualifiées d’uniques. Et je n’aborde pas mes accessoires religieux, mes poudres miraculeuses, mes œufs de Colomb en saindoux cristallisé, le véritable portrait du Christ à la mine de plomb par un officier romain qui le voyait tous les jours, en ce temps-là »
Un jour une cliente est attirée par une bague qui a appartenu selon Majésu à la sœur de Raspoutine. L’histoire commence, entre l’empereur de la poudre aux yeux et la reine de la perversité bourgeoise à qui Majésu, pour la séduire, avoue un meurtre. Amours immédiates et torrides : « Elle me trouvait toutes les qualités, mais le fait d’avoir mis fin au séjour terrestre d’un spoliateur de l’humanité était ce qui comptait le plus parmi les motifs qu’elle avait de m’aimer. Dès le départ j’ai su qu’elle aurait tué père et mère pour contribuer au progrès social ».
C’est d’ailleurs ce que Noème, fille de grands bourgeois vivant comme une pauvresse, va demander avec insistance à son tout nouveau mari. Mais les parents, après le morceau de bravoure du mariage de nos deux tourtereaux, meurent dans un attentat et Noème, devenue riche héritière, ne trouve plus aucune utilité à son mari. La guerre est déclarée.
L’argument ressemble à un feuilleton du dix-neuvième siècle, avec coup de théâtre à la fin de l’épisode et succession d’événements oscillant entre l’invraisemblable, le mauvais goût et l’excessif. Les pauvres ne sont pas ragoûtants, les riches encore moins, quant aux policiers, gardes du corps et autres éléments de romans policiers, ils ressemblent à des caricatures de série noire
Mais quelles réjouissances d’écriture ! Quelles truculentes trouvailles ! Le mélange de langage châtié et d’argot, d’oxymores linguistiques et de jeux de mots incessants laisse pantois.
Je crois qu’il faut lire Le fémur de Rimbaud, par épisodes pour ne pas se fatiguer de cette écriture si formidablement créative qu’on finit par la trouver un peu lourde à digérer.