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La couverture d’«Après la guerre»

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Après la guerreNinon Carrier, la jeune et talentueuse graphiste a  préparé cinq projets de couverture pour le recueil de nouvelles. Nous nous étions vues deux fois pour qu’elle se pénètre bien de l’esprit des nouvelles, je lui avais parlé de ce qui me semblait important, Ninon avait pris des notes. Nous nous étions revues, mais cette fois mon mari technicien-correcteur-graphiste habituel était de la partie. Conversation technique entre les deux, je ne comprenais pas grand-chose, avouons-le. Les cinq projets que Ninon a réalisés possèdent tous une originalité, une présence, avec des effets graphiques dont je n’imaginais même pas l’existence. C’est le premier projet que nous avons retenu, mon mari et moi ; sans nous concerter : c’était celui-là et pas les autres. De son côté, c’était aussi le préféré de Ninon.

Cette couverture, c’est l’esprit-même des nouvelles, si bien capté par l’hyper-sensible jeune femme :  des rails de train brisés sur une voie vide, avec les montagnes de Haute-Savoie pour horizon, une maison moderne à droite et une impression de vide sur les bas-côtés.

La photo originelle a été prise par Bernard, le compagnon de toute ma vie, Ninon l’a inversée, travaillée, c’est devenu totalement sa création. Le centre de la photo est plus clair, comme surexposé : l’irruption de ce passé obsédant dans le présent, ce passé qui détruit les couleurs de la vie et les transforme en gris, ce passé qui agit comme un filtre et déforme la perception des survivants. Et les caténaires le long de la voie, obsédants, menaçants. On pense à un camp, une prison. Il y a de l’étouffement dans cette photo pourtant ouverte sur les montagnes, cette photo où un virage devrait permettre toutes les échappées de l’imagination et de l’avenir. Mais il y a les rails brisés au premier plan qui occultent tout le reste.

C’est exactement ça. Les rails brisés de la guerre et là-bas, au loin, dans le virage, la vie qui se poursuit.

Merci, Ninon pour ce beau travail plein de finesse et de sensibilité. Dans un autre billet j’expliquerai pourquoi tu as tenu à faire cette couverture, toi qui es si occupée par ton entreprise Marks, mais seulement si tu le permets, et je ne suis pas sûre d’obtenir l’autorisation de quelqu’un d’aussi pudique que toi. En lisant les nouvelles, il est vrai que les lecteurs comprendront.

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