J’attends le rendez-vous avec la jeune cheffe de service un peu rugueuse toujours débordée. J’ai confiance en sa conscience professionnelle, son attention, la précision de ses investigations. Elle ne se laisse jamais distraire de son travail, concentrée sur le diagnostic et ses conséquences, toujours à distance du malade. Carapace.
La porte s’entrouvre et j’entends sa voix. Une douceur inconnue, une délicatesse rare, une attention presque tendre que je ne lui ai jamais soupçonnée.
Un couple âgé sort du cabinet, « Comme elle est gentille », murmure la femme. L’homme entre dans la salle d’attente en éclaireur, suivi de sa petite femme menue :
— Chérie, installe-toi là…
« Là », c’est un angle de la salle d’attente, un endroit où elle sera à l’abri des coups, quelque chose comme un nid. Il la couve des yeux, il l’enserre dans un entrelacs de tendresse. Ils attendent pour la prise de sang.
— Ils vont en prendre beaucoup… J’irai toute seule, dit-elle avec détermination.
Il approuve de la tête, mais au fond de lui il regrette : il aurait voulu l’encourager, elle est si fragile ! Il la contemple, il admire son courage. Il admire tout en elle. La petite femme sourit, lui rend son regard. Cela déborde de partout cet amour qui les lie, dans cette salle impersonnelle sans lumière naturelle, avec son néon blanc cru. Cela les enveloppe dans un cocon de fragilité et de désarroi.
Elle est malade, et il ne peut pas prendre la souffrance à sa place. Comme ils se serrent dans leur coin, incapables de parler, incapables de dire autre chose que Elle est tellement gentille… Il la domine d’une tête, mais c’est une stature de tendresse, on sent qu’il lutte pour ne pas la prendre dans ses bras, cela ne se fait pas dans une salle d’attente d’hôpital, même s’il y a peu de monde. Il n’a pas besoin. Ils se regardent tous les deux, et ce qui les relie est bouleversant. Son visage à lui, taches de vieillesse, cheveux blancs un peu clairsemés et rides autour des yeux, son sourire. Son visage à elle, levé vers son compagnon : ovale parfait, pas d’affaissement des traits, cheveux d’un noir mat ramenés en une courte queue de cheval de petite fille. Comme elle est belle ! Comme ils sont émouvants !
Enfin l’infirmière arrive, très douce et souriante, elle s’excuse de les avoir fait attendre : le patient précédent avait emporté son dossier avec lui ! La vieille dame se lève, quitte la salle sans se retourner, une petite créature toute fine, un elfe que le compagnon de sa vie regarde s’éloigner comme s’il ne devait jamais la revoir.
Merci Nicole pour vos intéressantes publications. La migration piémontaise qui nous relie à l’actualité avec celle entre autre des migrants à Calais et Grande Synthe. Les conditions de vie de ces êtres humains est indigne avec ces campements insalubres dans les bois, les voir prendre le risque de se blottir sous un camion pour passer la frontière et traverser la Manche fait froid dans le dos… L’Angleterre avec cet article dans « Causette » sur les violences faîtes aux adolescentes et le combat de deux femmes pour la justice avec des dommages dans leur vie par manque de courage de trop nombreux hommes pour les soutenir et être à leur côté. Soutenir pourtant d’autres le font avec cet accompagnement émouvant dans le sujet « Le vieux couple dans la salle d’attente », cela m’émeut beaucoup car comme beaucoup d’entre nous les difficultés de la vie peuvent nous dévastés, nous anéantir et la présence de l’Amour à nos côtés peut nous aider à tenir et surmonter l’insupportable tragédie de nos vies. Malheureusement parfois l’Amour est rejeté comme un moyen de se venger des souffrances endurées et pourtant là aussi il faut tenir , ne pas abandonner…
Merci pour ces rassurantes nouvelles de votre état de santé Nicole.
Il y a une inspiration en lien avec votre sujet qui met revenue il y a quelques jours et elle est retranscrite dans une photo que vous pouvez retrouver dans le lien au site web.
A bientôt
Voilà un envoi groupé, cher Eric!
Je suis toujours frappée de la précision et de l’attention avec lesquelles vous lisez mes textes.Je n’ai pas trouvé la photo dont vous parlez.
cela fait un petit moment, Nicole que je voulais te contacter pour te demander comment ça va?
(ton texte est émouvant d’humanité!)
Merci Coumarine pour ton message, et merci d’avoir apprécié cette rencontre dans la salle d’attente de l’hôpital.
Cette visite a été très positive: mon organisme réagit très bien aux traitements et la maladie est stabilisée.
Je voulais te dire à quel point le poème de Marion Muller-Colard que tu avais transcrit sur ton blog m’avait bouleversée. C’était plus que ça: la boule de larmes qui monte de la gorge tellement cela colle avec la réalité. Seulement je ne suis pas capable d’accepter, et le combat n’est pas fini. Il semblerait que j’ai eu raison, mais j’essaie de me montrer prudente.
Je te souhaite, en cette période de novembre si difficile lorsque revient l’humidité, de te centrer sur ta force, tes forces, et l’amour qu’il y a autour de toi…
Tu verras sur mon blog que j’ai écrit un récit/témoignage sur la maladie de Horton, qui m’est tombée dessus, me privant définitivement de la vue de l’oeil gauche: j’attends l’avis que j’espère positif de l’éditeur auquel je l’ai confié!
Dans ce récit, j’évoque comme toi ici, des rencontres d’hôpital, qui ont été nourrissantes pour moi!
Oui ce livre de Marion Muller -Colard m’a fait un bien énorme: elle a souffert, comme toi, comme moi, même si les souffrances sont différentes, elle sait ce que c’est!
Je te souhaite d’aller de plus en plus vers le « consentement » de la maladie, c’est que j’essaie de faire, jour après jour…
Merci Coumarine, mais je suis loin encore du « consentement » de la maladie. Je suis étonnée que la maladie de Horton soit arrivée toute seule, car il me semble qu’elle est accompagnée de polyarthrite la plupart du temps. Deux maux valant mieux qu’un seul, comme si la barque n’était pas déjà assez chargée!