Alexandre Jollien, le philosophe magnifique qui ne se fabrique pas des constructions éthérées mais lutte pour construire une vie bonne et joyeuse, l’écrivain aux phrases superbes et à l’humour un peu cru.
De livre en livre, on le voit évoluer, construire une idée de l’homme sans oublier la glaise qui le colle au sol et le terrasse parfois.
Mais il avance, avec détermination, pour vivre, ici et maintenant, dans la joie alors qu’il aurait toutes les raisons de maudire la mauvaise chance qui lui a fait enrouler trois fois le cordon ombilical autour de son cou à sa naissance.
« Je crois que la détermination, c’est conjuguer l’abandon et une infinie confiance en la vie. Qu’est-ce que je peux faire pour me protéger de la vie ? Absolument rien. Et pourtant, jour après jour, j’essaie de construire des boucliers et des façades qui me protégeraient du tragique de l’existence. La dimension tragique de l’existence fait partie de la vie. Quand on l’a compris du fond de son être, on peut danser avec ce tragique sans se crisper ».
« Ce qui nous sauve, c’est de savoir que l’on ne peut pas guérir de ses blessures mais que l’on peut vivre avec, que l’on peut cohabiter avec elles sans qu’il y ait nécessairement de l’amertume ».
De livre en livre, depuis Eloge de la faiblesse, il avance sur le chemin cahotant de l’acceptation de soi ; de livre en livre, il parle avec une précision cruelle parfois de ce corps soufrant, objet des regards, ce corps rebelle avec qui il doit composer et lutter pour avancer dans sa vie d’homme.
« Quand je prétends maîtriser la vie, ou vouloir changer l’autre, je m’éloigne de la terre. Il me plaît que le mot « humilité » contienne la racine humus, la terre, qui nous rapproche aussi de l’humour. L’humour peut facilement – enfin, quand il ne consiste pas à se moquer de l’autre – nous rapprocher de la terre, de ce que nous sommes vraiment. Un auteur anglais a dit : « Les commodités, les toilettes, c’est le lieu pour apprendre l’humilité. ». L’humilité, c’est être juste à sa place. Elle se conjugue également, comme pour Spinoza, avec un acquiescement total à soi. Celui qui se dénigre va mendier à l’extérieur l’acquiescement, le bonheur, le plaisir, la joie d’être. Tandis que l’humble, parce qu’il « colle » à la réalité, n’a pas besoin d’importer le bonheur. Le suffisant et celui qui se dénigre sont loin de l’humilité. Le premier se coupe du monde en ne comptant que sur lui-même. Le second se coupe de lui-même en ne comptant que sur les autres ».
« Je ne suis pas ce que j’étais hier, je ne suis pas ce que je serai demain, je suis humblement ce que je suis ici et maintenant. Être humblement, là, signifie totalement, pleinement, joyeusement ».
Lisez ce Petit Traité de l’abandon. Pensées pour accueillir la vie telle qu’elle se propose, par Alexandre Jollien, pour la sérénité joyeuse et les leçons de vie de cet homme, philosophe et écrivain, pensant au plus près de l’humain. Vous trouverez tant de richesse humaine, tant de pensée clairement énoncée que la glaise de votre propre vie ne sera plus aussi collante à vos pas.