En ce jour de Saint Valentin si précieuse aux fleuristes, bijoutiers et restaurateurs, je me permets de vous rappeler que l’excès de romantisme nuit à la santé s’il n’est pas accompagné d’un minimum de lucidité.
Inutile de vous rappeler que cette Saint Valentin que l’on nous ressort de manière obsessionnelle chaque mi-février correspond à des éléments biologiques et historiques bien réels. Il vous suffit d’écouter les oiseaux le matin : ils se mettent à chanter d’une manière troublante : les appels du mâle, fut-il ailé, titille les oiselles et suscite du vague à l’âme.
Mi-février, sous la neige les arbres connaissent la montée de sève et la nature se réveille.
Depuis la plus haute antiquité on a célébré ce moment par des rites de fertilité où le bouc occupait une place importante parce que cet animal représente le champion toutes catégories de la puissance sexuelle dans l’imaginaire des hommes.
Les Égyptiens pratiquaient un rite de fertilité lors de l’accouplement entre un bouc et une femme. L’occupant grec créa le dieu Pan, mi-homme mi-bouc. Les Romains à leur tour s’approprièrent le Dieu Pan qui devint Lupercus, Dieu de la fécondité. Lors des Lupercales, on sacrifiait des boucs, dans une grotte située sous le Mont Palatin, grotte qui aurait abrité Romulus et Rémus. De ce rite découle notre expression « bouc émissaire ».
Quant à la culture judéo-chrétienne dans laquelle nous baignons depuis deux mille ans elle a fait du bouc le symbole de la luxure et le diable est représenté avec des sabots fourchus.
Les Grecs célébraient les « Lukéïa », la fête des loups, et les Romains les Lupercales, du 13 au 15 février. Fête de purification, de sacrifices, mais aussi de luxure. On a posé un voile pudique sur ce qui se passait lors de ces fêtes, avec les luperques couverts des peaux des animaux sacrifiés qui frappaient les femmes à coups de fouets (certaines « nuances de Grey » pourraient en prendre de la graine) et ce qui attendait les jeunes filles tirées au sort pour le banquet final…
Autant dire que ce qui se passait pendant trois jours dans une Rome désormais chrétienne faisait désordre et que les papes ont essayé pendant longtemps d’interdire cette fête scandaleuse. En 494 le pape Gelase a une idée de génie : il va remplacer les orgies des Lupercales par une fête de l’amour. Comment procède-t-il ? Il cherche (et trouve) un saint homme fédérateur. Ce sera Valentin de Terni, un moine roué de coups et décapité le 14 février 269 pour avoir célébré des mariages alors que l’empereur Claude II avait interdit cette cérémonie. Claude pensait que les hommes mariés partaient moins facilement à la guerre que les célibataires, ça se discute.
La date de la mort de Valentin est-elle exacte ? Le fait est qu’elle tombe pile au milieu des Lupercales, le 14 février. Le 14 février 495 le pape célèbre en grande pompe la consécration du nouveau saint dont il fait le patron des fiancés et des amoureux. La première Saint Valentin de l’histoire venait de réussir à supprimer les Lupercales.
Je n’ai pas l’intention de remettre au goût du jour ces fêtes antiques. Le repas inoubliable dont je vous propose d’influer le cours ne mériterait pas les foudres papales, je vous assure. Alors mesdames, prenez un pseudonyme, en aucun cas votre adresse sera divulguée, et influencez le cours de l’histoire dans le sens qui vous conviendra ! Vous ne voudriez pas que je tire le nom de la gagnante d’un chapeau ? Depuis le Ve siècle les femmes ont fait du chemin et elles dirigent le hasard.
J’attends avec impatience vos suggestions. Bien entendu les hommes sont les bienvenus mais je les sais moins timides.