Assimilation-trahison: Langue natale de Chang-rae Lee

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L’auteur est d’origine coréenne, sa famille a émigré aux Etats- Unis lorsqu’il avait trois ans. Autant dire qu’il possède une connaissance intime de la difficulté de trouver sa place entre deux cultures si antagonistes – question centrale lancinante de son premier roman Langue Natale.

Henry Park, jeune trentenaire d’origine coréenne mais né aux Etats-Unis, espionne la communauté asiatique américaine pour le compte d’une société que l’on suppose liée à la CIA. A part ce travail en marge, Henry semble parfaitement intégré à la société américaine. Il se moque des fautes de prononciation de son père, le méprise légèrement à cause de son métier d’épicier, ne comprend pas sa mentalité : les problèmes interculturels classiques des transfuges de classe et de civilisation.

« Et quand je pense à mon père, je comprends comment il lui avait fallu remodeler sa vie en fonction des ambitions que lui autorisait sa maigre connaissance de la langue et de la culture, et réinventer celui qu’il voulait être. Il en était arrivé à apprendre que tout n’était jamais possible, que, à son niveau, c’était quatre ou cinq magasins de légumes qui, un jour, fonctionneraient sans lui et lui rapporteraient assez d’argent pour lui permettre de vivre dans une majestueuse maison blanche du comté de Westchester en se disant qu’il était riche.

Je suis son fils américain, je suis unique, et j’ai reçu comme une bénédiction tous ses espoirs et tout ce qu’il avait à donner. Et pourtant, il ne me reste que les maigres effets de cette richesse qui lui a tant coûté, cette troublante sidération mêlée de mépris et de piété que j’éprouve encore devant sa vie. Cela, je le crains, va persister. J’aimerais lui demander de me pardonner maintenant. Car ce que j’ai fait de ma vie est la version la plus sombre de ce dont il ne faisait que rêver, entrer quelque part et manier la langue du pays, avec mon corps et avec ma bouche sans que personne se retourne pour m’indiquer la porte ».

Henry a épousé Leila, une « WASP » (white anglo-saxon protestant) qui ne comprend pas sa façon de fonctionner ; le couple a un petit garçon et le racisme de la société américaine est évoqué par ricochets avec les problèmes que rencontre celui-ci avec ses camarades blancs. Puis survient le drame : à l’âge de sept ans Mitt meurt étouffé sous le poids de ses camarades durant un jeu. Symbolique cruelle de la difficulté de l’intégration que cette mort sous le poids de l’Amérique. A partir de ce moment le couple se délite, chacun ayant sa manière personnelle de montrer et de surmonter le chagrin.

L’armure d’Henry se fissure. Cela commence avec l’espionnage du docteur Luzan, un psychiatre qui collecte des fonds pour Marcos. Henry glisse vers l’amitié, oublie son personnage et se confie ; grave faute professionnelle. Peu de temps après le docteur meurt dans l’explosion d’un bateau.

Pour le remettre en selle Dennis, son patron, lui confie l’espionnage de John Kwang, le conseiller municipal d’origine coréenne new-yorkais qui est l’étoile montante de la politique. Henry devient un conseiller et ami de John, et il va participer à sa chute sans l’avoir voulu.

Le terrible enchaînement des faits est magnifiquement décrit, et la brutalité d’une société aussi prompte à assimiler qu’à rejeter démontrée de manière époustouflante. Un grand livre sur la difficulté de l’intégration, sur la cruauté intime de l’assimilation.

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