Auteure ? Autrice ?

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Voilà que la machine médiatique se met en branle pour votre humble servante… Oui, forcément, lorsqu’on se prénomme Nicole, cela fait irrésistiblement penser à Molière et son Bourgeois gentilhomme :

— Quoi ? Quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit » c’est de la prose ?

Ce « Nicole, apportez-moi mes pantoufles » me fait fulminer depuis la cinquième, j’avais douze ans et on me faisait exploser en citant l’infâme bourgeois. Cela laisse des traces…

Revenons à notre préoccupation : suis-je l’auteure ou l’autrice de L’Envol du sari ?

J’ai tendance à écrire « auteure » alors que je sais que la plupart des mots en « teur » sont issus de la forme latine et donnent « trice »  au féminin : instituteur/ institutrice.

Pourtant autrice est un mot ancien, personne n’aurait traité Marie de France d’ « auteur », avec ou sans e pour faire joli. Ce mot a existé pendant des siècles, ainsi qu’une cohorte d’autres mots en « trice », parce que, jusqu’au 17e siècle, on a suivi l’usage du latin, et on ne parlait pas des femmes comme des hommes.

academieLa période obscure est venue après, avec l’Académie française, qui a oublié son rôle de spécialiste de la langue et a préféré la normaliser. La France du Roi-Soleil (qui, entre parenthèses, nommait des ambassadrices), état totalitaire, nomme de doctes messieurs qui vont exercer leur monopole sur la langue. Et imposer d’importantes mesures.

Au 17e siècle, l’Académie française décide d’interdire toutes les formes féminines des métiers qui leur semblent devoir être l’apanage des hommes. Allez savoir pourquoi. Peut-être le bonheur de dire :

— Nicole, apportez-moi mes pantoufles

Et de remettre les femmes à leur place naturelle qui est le foyer, qu’elles arrêtent d’écrire des romans, de peindre des tableaux ou de représenter la France à l’étranger.

Cela n’est pas du tout anecdotique, on peut parler d’une mise au pas qui a duré des siècles et dure encore, tant la résistance est grande.

Les mots meurent s’ils ne sont plus employés, et lorsqu’ils ressortent du purgatoire, leur étrangeté nous frappe, comme le mot autrice dont il est question ici. Jusqu’au 19e siècle, le dictionnaire de l’académie a exercé son monopole sur la langue française, avec ses ostracismes et ses erreurs.

Auteur(e) : c’est une façon d’entrer en littérature par la petite porte, un trou de souris inaudible à l’oral et qui doit beaucoup plaire à certains académiciens particulièrement rétrogrades. Notez qu’accoler cet adjectif à cette corporation est un euphémisme. Malgré leur magnifique habit vert et leur épée de parade, ces messieurs n’ont plus le monopole de la langue, seulement un avis consultatif, et il y a longtemps que Larousse, Robert et consorts ont taillé des croupières à leur dictionnaire.

Members of the French Academy listen to French Simone Veil, an Auschwitz survivor and the first elected president of the European parliament during her official entry ceremony as member of the prestigious Academie Francaise, the guardian of the French language, on March 18, 2010 at the Institut de France in Paris. The 82-year-old Veil, a former French minister who ranks among the country's most respected politicians, is only the sixth woman to join the "immortals", as the 40 members of the Academie are known. Dressed in the members' traditional green uniform, designed specially for her by Chanel, Veil was presented with the ceremonial sword bearing the inscription "Liberty, Equality and Fraternity". Veil's tattooed Auschwitz prisoner number, 78651, was also engraved on the sword that was presented to her by former president Jacques Chirac during a ceremony at the French Senate. (From R) Jean-Luc Marion, Dominique Fernandez, Pierre Nora. AFP PHOTO POOL PHILIPPE WOJAZER

Les membres de l’Académie française en mars 2010. AFP/PHILIPPE WOJAZER

Alors : auteure ? Autrice ? Qu’en pensez-vous?

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6 réflexions sur « Auteure ? Autrice ? »

  1. alainx

    Le terme « autrice » a une consonance assez désagréable. On dirait un terme médical d’une maladie honteuse : « elle a une autrice, je la plains ». À moins que l’on estime qu’une autrice serait motrice…
    il me semble que le terme auteure est désormais le plus répandu.
    « Cette auteure nous amène à de belles hauteurs »

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Autrice, comme institutrice, n’est-ce pas une question d’habitude? Je remarque que la dernière phrase, oralement, est épicène.
      Le débat reste ouvert!

  2. Dominique Godfard

    Vous n’êtes pas une auteuse ni une auteresse, c’est d’accord ! Pour auteure, cela oblige à une prononciation appuyée pour signaler le e à la fin, ce n’est pas terrible à entendre… Mais est-ce que la formulation « une auteur » n’est pas admise, malgré l’aspect faute d’orthographe ?…

    Bon, au total, vous avez raison, autrice, c’est mieux !

      1. Dominique Godfard

        Ce n’est pas très intéressant d’aller sur mon site car je le néglige depuis trop longtemps. Avant j’avais un blog intitulé « Des livres et moi »hébergé par le Nouvel Obs qui aurait pu peut-être retenir votre attention (avec des fiches de lecture dedans) mais maintenant, on n’héberge plus chez le NO et tous les blogs « invités » – dans le temps- ont été sucrés…

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