Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Ne ratez pas le train du Liseur du 6h27 !

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Voilà du réjouissant, du jouissif, du libertaire : précipitez-vous sur ce petit opus de 210 pages d’humour, de poésie et de liberté ! Qu’il ait été publié aux éditions du Diable Vauvert, maison indépendante dans tous les sens du terme, n’est pas innocent. Petite parenthèse : allez vous promener sur le site de la dite maison, cela vous changera agréablement des gros paquebots.

Dans l’opus de l’enfant très réussi de Raymond Queneau et de Jean-Pierre Jeunet nous avons affaire à un liseur et non une liseuse :

Certains naissent sourds, muets ou aveugles. D’autres poussent leur premier cri affublés d’un strabisme disgracieux, d’un bec de lièvre ou d’une vilaine tache de vin au milieu de la figure. Il arrive que d’autres encore viennent au monde avec un pied bot, voire un membre déjà mort avant même d’avoir vécu. Guylain Vignolles, lui, était entré dans la vie avec pour tout fardeau la contrepèterie malheureuse qu’offrait le mariage de son patronyme avec son prénom : Vilain Guignol, un mauvais jeu de mots qui avait retenti à ses oreilles dès ses premiers pas dans l’existence pour ne plus le quitter.

Le ton est donné. Guylain Vignolles, trente-six ans, essaie de se faire oublier. Il vit avec un poisson rouge nommé Rouget de Lisle (Amélie Poulain, je vous dis…) et exerce le plus épouvantable des métiers pour qui aime lire et les livres : il actionne le pilon de la broyeuse Zestor 500 et passe sa vie à détruire sa raison de vivre. Mais tous les soirs, en nettoyant la machine, il récupère les feuillets qui n’ont pas été broyés, les sèche entre des buvards et les lit le lendemain matin aux passagers du RER de 6h27.

Je ne déflorerai pas la quête de Guylain, vous risqueriez de ne pas lire le livre et ce serait dommage pour vous.

Tout m’a plu dans ce roman sensible, drôle et atypique.

D’abord l’écriture, à la fois enlevée et peaufinée comme seuls se le permettent ceux qui ne comptent pas sur l’écriture pour les nourrir ; ensuite les personnages dits avec mépris secondaires qui peuplent le récit : tous bénéficient d’un traitement royal, les gentils comme les méchants. Yvon Grimbert le gardien qui lève la barrière pour les camions pleins de livres ne s’exprime qu’en alexandrins, quant au prédécesseur de Guylain dont les jambes ont été broyées par la machine, il passe son temps à rechercher tous les exemplaires du livre qui a été fabriqué ce jour-là avec la pâte à papier, histoire de récupérer ses jambes. Du côté des méchants ce n’est pas triste non plus mais la palme revient à la machine, une bête monstrueuse qui n’est pas sans rappeler La Bête humaine… On n’est d’ailleurs pas loin de Zola pour les conditions de travail :

D’abord il ne se passa rien. A peine un tressaillement du sol lorsque la Chose lança un premier hoquet de protestation. Le réveil était toujours laborieux. Elle rotait, crachotait, paraissait rechigner à s’élancer mais une fois la première gorgée de fioul passée, la Chose se mettait en branle. Monta d’abord du sol un grondement sourd suivi aussitôt d’une première vibration qui partit à l’assaut des jambes de Guylain avant de travers son corps tout entier. (…) La Zestor était une ogresse qui avait ses humeurs. Il arrivait parfois qu’elle s’engorgeât, victime de sa propre voracité. Elle calait alors bêtement en pleine mastication, la gueule remplie à ras bord. Il fallait alors près d’une heure pour vider l’entonnoir, (…) une heure pour Guylain à se contorsionner dans les entrailles puantes, à suer toute l’eau de son corps et à subir les invectives d’un Kowalski plus énervé que jamais dans ces moments-là.

Bien sûr un événement minuscule va se produire et déclencher la quête du héros, le conduire de manière savoureuse et décalée vers la Dame de ses rêves, dame pipi/écrivain dans un centre commercial. Zola s’éloigne, nous revenons à Amélie Poulain, cela vire un peu rose bonbon mais Guylain a bien gagné le droit de présenter quelqu’un à Rouget de Lisle… et nous de revenir  de cette lecture sans prétention enchantés du voyage, comme les voyageurs du RER de 6h27.

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Collier rouge et roman pâle

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À une heure de l’après-midi, avec la chaleur qui écrasait la ville, les hurlements du chien étaient insupportables. Il était là depuis deux jours, sur la place Michelet et, depuis deux jours, il aboyait. C’était un gros chien marron à poils courts, sans collier, avec une oreille déchirée. Il jappait méthodiquement, une fois toutes les trois secondes à peu près, avec une voix grave qui rendait fou.
Dujeux lui avait lancé des pierres depuis le seuil de l’ancienne caserne, celle qui avait été transformée en prison pendant la guerre pour les déserteurs et les espions. Mais cela ne servait à rien.

Quelle superbe entrée en matière !

Durant l’été 1919 un juge militaire venu de Paris doit rendre son jugement dans une petite ville du Berry écrasée de chaleur. C’est la dernière affaire du grand bourgeois Lantier du Grez, ensuite il reviendra à la vie civile. Celui qu’il doit juger s’appelle Morlac, c’est un paysan du coin qui a reçu la légion d’honneur.

Il a vraiment fallu que ce soit un acte d’une bravoure exceptionnelle pour qu’on vous décerne la Légion d’honneur. La Légion d’honneur ! A un simple caporal ! Je ne sais pas ce qu’il en était dans l’armée d’Orient mais, en France, je crois avoir entendu rapporter deux ou trois cas de ce genre seulement.

Devant la prison, sans discontinuer, un chien hurle pendant que son maître croupit dans sa cellule.

Tout le livre est là. Dans ce face à face entre deux hommes que tout oppose : la fonction, la classe sociale, la culture. Une femme sert de lien entre eux, c’est Valentine, paysanne par nécessité et femme de gauche très engagée chez qui trône une bibliothèque. C’est elle qui a éveillé Morlac à la lecture des grands libertaires du XIXe siècle avant de devenir son amante et de lui donner un enfant. Guillaume, le chien qui hurle à l’extérieur de la prison, lui appartenait et il n’a pas quitté Morlac durant tout le conflit.

Du crime commis par le prisonnier et qui donne le titre au livre, nous ne saurons rien avant la conclusion. Lors du défilé du 14 juillet 1919, Morlac a pris sa décoration d’honneur et en a décoré son chien. D’où le collier rouge, rouge de la décoration, rouge de la pensée, rouge du sang versé.

Insulte à la nation et sacrilège. Pour le paysan le chien méritait mieux les honneurs que lui, cette prestigieuse médaille n’était qu’un douloureux quiproquo. Un peu comme la guerre, évoquée, esquivée, restituée à travers la douleur des hommes et les tentatives de fraternisation sur le front.

Pourquoi n’ai-je pas été touchée par ce livre alors que tant d’éléments méritent le détour ?

L’écriture est belle, élégante et fluide. En cette année de commémoration Jean-Christophe Rufin nous donne une perspective intéressante du conflit avec par exemple la fonction des chiens durant le premier conflit mondial et l’armée d’Orient passée à la trappe des analyses. L’auteur domine son sujet comme personne, j’allais dire en routier de la narration, mais la structure choisie, la raison repoussée jusqu’à la fin du roman de l’emprisonnement du soldat tient difficilement la route; les dialogues incessants lassent un peu. Manque d’intensité pour ce long face à face entre des personnages désincarnés, la guerre en creux avec ses valeurs à la fois trop peu cernées et trop peu chahutées, la difficulté d’appréhender l’absurdité de ces années terribles et de son bilan dans la tête des hommes, tout cela m’a gênée. Trop de métier et d’à-propos, un paysan obtus qui n’emporte pas l’adhésion, un juge un peu trop propret, trop vide.

Le moment d’émotion je l’ai éprouvé en lisant l’hommage de l’auteur au photographe qui l’accompagnait lors d’une mission et qui lui avait raconté l’histoire de son grand-père et de sa transgression. J’ai pensé : enfin de la sincérité, loin de la littérature et des belles phrases.

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Quand il n’y a pas de mots

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Quand il n’y a pas de mots pour dire l’horreur et le piège, quand les civils sont enfermés dans un tout petit territoire et ne trouvent pas d’issue, quand on a peur des deux côtés  et que le bruit des bombes ne connaît pas de frontières, quand des deux côtés les mères prient que leurs enfants soient épargnés.

Ne restent que les ruines et les sanglots, la déchirure et cette femme en noir, bras levé au ciel.

Hani Abbas, l’auteur de ce dessin et de tant d’autres,  récompensé par le «Prix international du dessinateur de presse 2014», connaît de l’intérieur les souffrances des peuples palestinien et syrien.Il est né en 1977 dans un camp de réfugiés palestiniens près de Damas en Syrie. Après qu’un de ses proches collègues a été torturé à mort par le régime syrien il a réussi à se réfugier au Liban avec sa femme et son fils de cinq ans. Mais sa sécurité n’était pas assurée, il a dû fuir en Suisse où il est actuellement demandeur d’asile. Sa femme et son fils se trouvent toujours au Liban.

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Vieille dame virtuelle pas chère

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Alors, Marguerite, on fait du stop, on vend des produits pour les aveugles, on ment comme un politicien ? Et en plus on veut se faire connaître ? Vous avez envie que le troisième âge s’éclate et oublie la dignité silencieuse ?

N’en dites pas plus : L’Anthogrammate est offert à prix de lancement à 2 euros 99, soit le prix d’un magazine bourré de pub, soit la moitié d’une boîte de tranquillisants ou celui d’un bon melon.

N’hésitez pas !

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La visite de la vieille dame

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L'AnthogrammateIl ne s’agit pas de celle de Friedrich Dürrenmat mais celle de Nicole Giroud. Franchement plus jeune et plus drôle que celle de la pièce, je vous assure.

Elle vous rendra visite pour 16 euros 49 en version brochée et 4 euros 99 en version Kindle sur Amazon et vous offrira des heures de franche rigolade plus un zeste de réflexion et d’émotion, pourquoi vous priver ? Vous avez déjà lu le début sur ce blog, découvrez le reste et commentez sur Amazon !

Marguerite Letourneur, autostoppeuse et redoutable menteuse vous racontera des histoires et vous en redemanderez, je suis sûre. Donnez-moi de ses nouvelles…

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