L’homme a toujours copié le vivant, il suffit de regarder un escalier à vis du XVe siècle et on pense aussitôt à la structure interne d’un escargot. Cependant ce qui est à l’œuvre actuellement dans les technologies de pointe va révolutionner non seulement notre habitat mais notre conception de la vie. Une sorte de révolution copernicienne, je m’explique.
Cela fait des millénaires que les architectes rêvent d’éternité, depuis les pyramides en passant par les cathédrales ou les châteaux-forts, mais il existe une autre façon de penser les bâtiments ou de concevoir l’éternité. Les Japonais reconstruisent à l’identique les temples sacrés tous les trente ans et ne prévoient pas comme en Occident une maison à léguer aux générations futures.
C’est cela, la révolution en marche : les nouvelles technologies utilisées en architecture tiennent maintenant compte du cycle de vie d’un bâtiment. Il doit vivre et mourir, comme un être vivant, et se décomposer… Les architectes essaient de concevoir un bâtiment de manière à ce qu’il consomme le moins d’énergie possible et pour cela ils utilisent des matières organiques recyclables et compostables.
Les nouveaux matériaux qui vont intégrer nos habitations et autres lieux de vie sont inspirés par le bio-mimétisme. L’alliance de l’imitation de la nature avec les puissances de calcul des ordinateurs actuels ainsi que la modélisation en 3D permise par les nouvelles imprimantes, a favorisé un essor proprement extraordinaire de ces matières révolutionnaires. L’aide de la découpe laser et du bras robotisé permet de prévoir dès le départ les quantités de composants nécessaires : pourquoi percer les murs pour installer plomberie et électricité si on peut prévoir dès le départ les circuits ?
Le bâtiment étant un secteur particulièrement énergivore, il y a urgence à trouver des solutions innovantes, et un certain nombre d’instituts de recherche tels que l’Institute of Building Structures and Structural Design de l’université de Suttgart s’y emploient. Ces matériaux issus de l’observation de la nature, conçus eux-mêmes comme des êtres vivants, issus de matière organique, souvent, sont déjà parmi nous. C’est troublant, un peu dérangeant, mais inévitable si l’on considère que notre planète est elle aussi un être vivant. En danger, personne ne peut l’ignorer, et les chercheurs moins que les autres.
Je vous parlerai dans cette série d’articles sur le bio-mimétisme, de bâtiments existants (et non des moindres !) utilisant ces nouveaux matériaux. Je commencerai par le pavillon italien de l’Exposition universelle de Milan, en 2015, le Palazzo Italia.
Ce bâtiment d’une blancheur flamboyante sous le soleil a été construit en béton biodynamique et photocatalytique, 900 panneaux, exactement. Le Palazzo Italia conservera sa blancheur d’origine parce que, grâce à l’action combinée des ultra violets et du catalyseur que contient ce nouveau béton, la pollution se transformera en matériaux inertes sous l’effet de la lumière. Plus besoin de nettoyer les façades à intervalles réguliers, le magnifique graphisme conservera son blanc éblouissant d’origine. Cette imitation / adaptation de la façon dont les arbres gèrent la photosynthèse a été poussée très loin.
Ce n’est pas la seule qualité de ce nouveau béton qui est composé pour 80% de matériaux recyclés, en particulier des déchets de marbre blanc des carrières de Carrare responsables de sa brillance. Ce béton est plus résistant, plus souple d’utilisation qu’un béton traditionnel, et permet les combinaisons audacieuses qui ont abouti à ce symbole de la modernité.
Un bâtiment qui purifie l’air, comme un arbre gigantesque dans la jungle urbaine : l’arbre protecteur conçu par Nemesi & Partners nous renvoie à un archétype humain, la nature protectrice.