Des femmes cassent des blocs de grès au bord d’un fleuve africain, avec un marteau elles cognent les pierres jusqu’à les transformer en gravier. Ce sont les « casseuses de cailloux ».
Forçats modernes sous le soleil africain.
Elles sont analphabètes pour la plupart d’entre elles ; seule Méréana – rêve de baccalauréat brisé par une grossesse involontaire – a de l’instruction.
Méréana, personnage central que l’auteur a choisi de tutoyer tout le long du livre (prouesse qui tient parfois de l’équilibrisme ou de l’artifice), va devenir la porte-parole puis la cheffe du groupe de femmes dans leur lutte pour une augmentation du prix du sac de gravier.
Car Méréana écoute les informations à la radio avant de partir travailler… C’est le point de départ de la lutte : le président du pays dont les photos se répètent à l’infini sur les panneaux publicitaires a décidé de construire un aéroport international. L’économie a besoin de leur gravier, pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas profiter des augmentations générales ? « Notre gravier est notre pétrole » devient le slogan des « casseuses de cailloux ».
Ainsi commence la lutte pour une vie meilleure. Mais les intermédiaires réagissent, la police tire…
Méréana sert de fil rouge tout au long du livre. Les informations de la radio qu’elle écoute et les portraits de ses compagnes de lutte dressent un état des lieux d’un continent régi par la corruption, la violence, le fétichisme et le sida. Toutes les femmes du roman, à un titre ou un autre, ont dû subir l’oppression des hommes, de l’anarchie politique ou de la famille. Enfants martyrs ou enfants bourreaux de leur mère lorsqu’ils sont convaincus qu’elle est une sorcière, dépossession des veuves par leur famille, viols organisés par les factions armées, corruption à tous les échelons y compris pour obtenir une tri-thérapie par la fondation Gates, tout y passe.
Non, ce n’est pas une nouvelle mouture des grands livres de lutte sociale à la sauce africaine ! Nous sommes en Afrique, alors la force de vie des femmes, leur volonté d’un avenir meilleur, la découverte du pouvoir du groupe, tout s’accompagne de rires et de larmes.
La révolte des « casseuses de cailloux » ne se termine pas en tragédie, et c’est là que le livre tourne au conte de fées.
Les femmes triomphent, Méréana rencontre la « ministre de la Femme et des Handicapés » puis la femme du Président de la République, le ministre de l’Intérieur lui-même se déplace chez elle, les femmes fracassées par la vie imposent leur loi.
Humm…
Nous sommes en Afrique, et les conteurs ont tous les droits, même celui d’imposer une Photo de groupe au bord du fleuve pleine d’optimisme, le rouge sang et le noir de la sorcellerie faisant place au rose bonbon et au jaune soleil !