Découpages et collages 1

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Le compagnon de toute ma vie depuis nos vingt ans respectifs est en train de lire la cinquième  version de mon roman sur les deux catastrophes survenues au somment du mont Blanc. Mission à haut risque, l’homme en est conscient. Ce n’est pas la première fois qu’il effectue cet exercice de style et jusque là il a survécu, maniant habileté, coups de fouet et messages d’amour style c’est pour ton bien et celui de ton texte.

Dans le cas présent, devant les critiques répétées des intrépides lecteurs, trop de précisions, trop de documentation, bien sûr c’est passionnant ces tragiques histoires, mais enfin… Tout le monde était d’accord : cette femme retrouvée nue au sommet du mont Blanc vêtue de ses seuls bijoux méritait absolument d’être l’héroïne. Le fait qu’elle soit Parsie, une fois expliqué à ces ignorants qui étaient les Parsis, a lui aussi emporté l’adhésion.

Je vous avais déjà expliqué que je travaillais sur un drame survenu dans ma région.

J’ai d’abord donné un fils à cette belle femme, un fils qui viendrait en Haute-Savoie résoudre l’énigme de la présence à bord de sa mère et accessoirement proposer une explication au mystère de l’explosion en plein vol de cet avion, mystère non élucidé et dont les archives sont encore top secrètes. Le fils n’allait pas. Il est donc devenu une fille. C’est vrai, c’était plus logique dans la poursuite de l’émancipation féminine, le public était d’accord. Quand même, trop de détails sur la communauté parsie de Bombay.

Ils voulaient que je me coupe un bras ! J’ai donc rusé et rajouté un personnage pour alléger cette histoire (essayez donc de faire rire les gens avec plus de 150 personnes en morceaux sur le glacier des Bossons). Et voilà, l’Écrivain sort du chapeau. Petite vengeance anticipée : il en est à son deuxième divorce. On verra bien si après cette menace subliminale l’époux parlera encore d’alléger mon texte.

Eh bien il ose : Quelle bonne idée, cet écrivain ! Tu le rends de manière très drôle, ça allège l’atmosphère du texte, on attend le moment où il va réapparaître, vraiment une bonne idée ! Mais encore trop de détails sur la façon dont on a traité les corps, trop de détails sur l’histoire des Parsis.

L’homme vit dangereusement. Il a de la chance, je n’ai pas encore totalement remanié mon texte. La réécriture avance et je ne suis pas encore prête au sacrifice suprême.

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11 réflexions sur « Découpages et collages 1 »

  1. Edmée De Xhavée

    C’est une chance que d’avoir un compagnon qui, sur la longue durée, continue d’accompagner et non de freiner, détourner’, dépasser et vouloir absolument faire le David Crockett, toujours devant.. 🙂

    Je n’ai personne pour me relire, et je sais donc le soulagement que ça serait… Ma méthode est donc de laisser reposer (parfois un an) et de relire « comme si je ne me connaissais pas ». Ha ha ha!

    Mais j’aimerais le lire, ce livre étrange et trop détaillé que vous peaufinez!

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Je sais à quel point j’ai de la chance, Edmée. Cela fait plus de quarante ans que je n’en reviens pas.
      La méthode d’attendre est excellente, je la pratique aussi, ce qui permet à l’affect de perdre de sa puissance. Ce livre ne paraîtra que lorsque le consensus sera établi, ce qui prendra du temps je suppose.

  2. MichelDALMAZZO

    Comme il est question de relecture, voici comment j’aurais simplifié le début de ce texte.
    « Mon compagnon de toujours lit la cinquième version de mon dernier roman. C’est une mission à haut risque. Il en est conscient. » …
    Ceci n’est pas une correction, et encore moins un coup de fouet dans le style « c’est pour ton bien et celui de ton texte ». C’est un message d’amitié (et de remerciement pour ta gentillesse).
    Amitiés

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      J’avais compris, cher Michel, que c’était un message d’amitié, mais il n’y a pas de remerciements à donner, me semble-t-il. Tes textes sont toujours pleins de finesse, tutoyant parfois l’absurde avec un grand sens de l’équilibre et j’apprécie beaucoup ton humour, alors tu vois, pas de remerciements…

  3. saravati

    Nicole, quelle chance d’avoir un mentor pour vous contredire dans vos pérégrinations.
    ça permet d’étoffer…
    et puis, j’ai envie de lire « votre » histoire sans filet…

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Est-ce un mentor? L’homme serait flatté mais comme il est honnête et modeste il déclinerait le terme. C’est pourtant la personne la plus attentive à mes textes, il ne me passe rien et traque le moindre problème de typographie ou d’orthographe. Sans lui je ne serais rien, je le sais et lui aussi. Aujourd’hui nous fêtons nos 41 ans de mariage.

    2. Bernard

      Saravati, le terme de mentor est effectivement usurpé. En regardant la définition dans le dictionnaire, on y trouve le mot « guide », que je ne revendique pas 😉
      Et Nicole a raison de mentionner (sans la nommer) ma maniaquerie concernant la typographie. Quand même, je suis bien heureux qu’elle me supporte depuis toutes ces années !

  4. alainx

    La coach écrivain qui m’a guidé dans l’écriture de mon premier livre (et unique à ce jour ! Mais ça va changer à l’automne !), m’a coupé deux bras et deux jambes…. déjà que physiquement je suis pas mal délabré…. ça n’a pas arrangé mes affaires….
    Heureusement le succès (relatif !!!) du truc en question a favorisé la repousse….

    Bon courage pour la chirurgie nécessaire ! …

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Bon courage pour l’automne.
      Hélas, je suis une habituée de l’équarrissage… J’ai dû amputer la biographie de Louis Favre du tiers, les 3/4 demandés par les éditions Grasset étaient au-dessus de mes capacités. Cela c’est soldé par des ventes à quatre chiffres, mais c’était dû à la personnalité de Louis, très connu dans ma région. N’empêche, c’est chaque fois douloureux!

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