Le droneport est le grand projet pour désenclaver l’Afrique de l’architecte mondialement connu Norman Foster. Fait-il partie de ces personnes qui n’ont plus rien à prouver au point de vue professionnel et se penchent sur la misère du monde ? Suit-il l’exemple de Shigeru Ban qui est présent depuis si longtemps sur les lieux de toutes les catastrophes ?
Ce n’est pas si simple…
Ce projet du plus petit aéroport du monde, issu de la créativité de celui qui a construit le plus grand aéroport du monde à Pékin, a mobilisé nombre d’équipes de spécialistes, y compris un as de la pose de briques. Il a fait preuve d’une remarquable interdisciplinarité pour créer un module de base pouvant être dupliqué autant de fois que nécessaire. Hautement adaptable, ce droneport est un mélange de technologie de pointe et d’architecture traditionnelle. Celui-ci est prévu pour servir de base aux drones, mais peut fonctionner comme une plate-forme d’hôpital ou servir au commerce. Il a été conçu pour que les populations locales puissent le construire à peu de frais, à l’aide cependant de la DuraBric résultant des recherches de LafargeHolcim.
Le dernier hors-série de ′A′A′ (l’Architecture d’Aujourd’hui) détaille fort bien ce projet dont le prototype a été présenté à la 15e biennale d’architecture de Venise. Le pavillon – très beau – s’intègre d’une manière parfaite dans le site de l’Arsenal.
Comme le rappelle Norman Foster dans une interview, seulement un tiers des Africains vivent à moins de deux kilomètres d’une route praticable en toute saison et il est important de créer une structure permettant l’accès aux habitants d’un minimum en cas d’urgence.
Il s’agit d’un détournement de ce qui est encore réservé à l’usage militaire : les drones. Pas les gadgets que nous connaissons, mais les petits engins aériens capables de transporter plusieurs kilos de charge utile, on remplace les charges explosives contre des éléments comme des poches de sang pour le secours d’urgence ou des produits de première nécessité en cas de catastrophe.
Très beau programme, donc. Cependant, certains éléments me troublent… Ce projet destiné à l’Afrique n’a impliqué aucun Africain, c’est un projet intellectuel créé par des élites. Nous sommes très loin de la vision altruiste de l’architecte japonais Shigeru Ban…
Le projet, s’il entend aider l’Afrique à plonger dans la modernité, n’a cependant pas un but humanitaire. C’est un projet qu’on peut qualifier de politique. Comme le précise Jonathan Ledgard, directeur du laboratoire Afrotech à l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne), à l’initiative du concept Redline, un réseau de drones desservis par des droneports :
Il ne s’agit pas en définitive d’un projet humanitaire. C’est davantage une démarche qui vise à promouvoir le sentiment d’une appartenance territoriale autour d’un lieu fédérateur pour la collectivité et, surtout, à créer un pôle d’échanges commerciaux. La vision englobe les entrepôts de maintenance des droneports, des studios d’impression en 3D, des commerces et des agences de e-commerce. Le but est d’assurer l’autosuffisance, en même temps que créer un réseau.
Le premier droneport sera construit cette année au Rwanda. Il faudra suivre avec attention les retombées d’un tel projet pour l’Afrique.