Cela fait très longtemps que je fréquente la bibliothèque d’Annemasse et presque autant de temps que j’admire le travail des bibliothécaires pour faire de cet endroit un lieu de vie pour tous, petits et grands, jeunes ou vieux.
Marie-Hélène Lacroix anime nombre de réunions, en particulier « le jeudi des retraités » tous les premiers jeudis du mois.
 Ce jeudi 4 octobre ils étaient venus nombreux, si nombreux qu’il a fallu trouver d’autres chaises et que certains sont tout de même restés debout.
Ils étaient venus écouter une conférence sur Louis Favre, le héros de la région d’Annemasse, fusillé en juillet 44 dont j’ai écrit la biographie.
Ce n’était pas vraiment avec moi qu’ils avaient rendez-vous mais avec leur jeunesse ou leur enfance :
– J’étais à l’école avec la fille du colonel Groussard…
– Je me souviens bien du jour de l’arrestation de Louis Favre…
– C’était quelqu’un de vraiment exceptionnel!
Ce fut un moment très particulier pour moi, cette conférence du 4 octobre à la bibliothèque d’Annemasse.
J’avais préparé mon texte mais très vite j’ai été portée par leur émotion.
Ceux que j’avais en face de moi revivaient ce que je leur racontais. Car j’ai raconté plus qu’énuméré, j’ai raconté cette dure période qu’ils avaient si bien connue et leurs yeux tour à tour rieurs ou embués de larmes me portaient. J’oubliais mon texte, répondais à leurs questions, attentive à ce qui vivait là , en face de moi.
Moment rare, émotion exceptionnelle.
Ce qui devait durer une demie-heure suivi par des questions a duré presque deux heures. Deux heures où ils ont oublié les atteintes de l’âge, le temps ressuscité de leur jeunesse pendant des temps historiques et dramatiques. Ils n’ont pas vu passer le temps, m’ont-ils dit, plutôt ils sont revenus à ce temps qu’ils ne qualifiaient pas de « bon ».
Leurs messages plein de reconnaissance, je ne les oublierai pas et je les remercie à mon tour de ce moment exceptionnel à la bibliothèque Goy, dans le coin des enfants.