La leçon de natation, saut dans le grand bain de la littérature

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Pendant ses études à Toronto Rohinton Mistry a publié des nouvelles concernant sa terre natale, Bombay, et plus précisément la communauté parsie dont il est originaire. Ces Tales from Firozsha Baag ont eu beaucoup de succès et ont été publiés en un volume en 1987, traduit et repris ensuite par les éditions Hatier en 1991.

Ce volume de jeunesse, c’est l’origine de l’œuvre, les personnages des livres futurs qui prennent vie et ressuscitent l’enfance et la prime jeunesse de l’auteur. Chaque nouvelle est une brique de la construction future et petit à petit les habitants et leurs travers se renvoient en écho, se complètent, et toute une communauté s’anime.

J’ai souvent pensé à Isaac Bashevis Singer en lisant les nouvelles de celui qui était un tout jeune homme lorsqu’il les a écrites. Cette même façon de ressusciter une communauté religieuse fermée, avec le surnaturel et la satire, ses doutes, la force de la tradition aussi…

La dernière nouvelle, La Leçon de natation, m’a bouleversée par sa force et sa subtilité : là, sans rien connaître de lui, on sait qu’on a affaire à un grand écrivain.

Cette nouvelle décrit la vie dans l’immeuble de Toronto où vit le narrateur, et la description de la vie nous renvoie en écho aux nouvelles précédentes, car la vie, ici ou ailleurs, ce sont les êtres humains qui souffrent et qui vont mourir, qui aiment et qu’on abandonne. Un vieil homme meurt, double du grand-père. L’auteur essaie d’apprendre à nager, tentative cocasse et inaboutie, comme à Bombay sur la plage de Chaupatty. Il envoie à ses parents des nouvelles banales sur sa vie et les frustrent d’autant. Jusqu’à ce qu’ils reçoivent un paquet en recommandé, le premier livre de leur fils :

« Dans les nouvelles que papa a lues jusqu’ici, toutes les familles parsies sont pauvres ou de classe moyenne, mais ça ne le gêne pas ; ça ne le gêne pas non plus d’y reconnaître ses propres souffrances ; mais tout de même il faudrait montrer quelques aspects positifs de la communauté parsie, elle a de quoi s’enorgueillir (…)

Quant à maman, ce qu’elle préfère, c’est la précision des souvenirs, tout est merveilleusement décrit, y compris les choses tristes ; et même les récits qu’il a inventés sonnent vrai. »

Et la conclusion, véritable définition de la littérature :

« Ne vois-tu pas, réplique papa, que tu confonds la fiction et la réalité, la fiction ne crée pas la réalité mais se nourrit d’elle, les faits, on les fusionne, on les transpose, on les exagère, on les minimise comme on veut pour les besoins de la fiction ; mais il ne faut pas confondre la cause et l’effet, ni ce qui est véritablement arrivé avec ce que raconte l’histoire, il ne faut pas perdre le sens de la réalité, c’est courir à la folie ».

 

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