La véritable Lovita mise à nue

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LovitaL’héroïne de Lovita broie ses couleurs a servi de support érotique à des lecteurs frémissants, et j’ai reçu quelques courriers qui m’ont mise mal à l’aise. Désolée de vous décevoir, messieurs, Lovita n’a rien à voir avec moi, je ne suis que l’auteur. Mais vous avez raison, cette jeune personne n’est pas sortie du chapeau de mon imagination tortueuse, elle existe bel et bien, tout comme Martha d’ailleurs, mais ceci est une autre histoire.

La véritable Lovita, je l’ai rencontrée à une quinzaine de reprises chez une amie commune. Commune dans le sens amie à toutes les deux, car l’amie en question, s’il vous est donné de la rencontrer, s’imprime dans votre rétine et dans vos oreilles : tant de vitalité, est-ce possible ? Mon amie attire tous les originaux de la terre comme le miel les ours, c’est une mine pour romancier, un filon inépuisable de personnages hauts en couleur que je ne cesse d’exploiter avec sa bienveillante indulgence.

Lovita, donc, m’est apparue dans un éblouissement. Brune Brésilienne, liane flamboyante : une beauté pire qu’un aimant car la belle ne se contentait pas de se laisser admirer, il lui fallait séduire, absolument, et tout le monde. Je me souviens de mon inquiétude lorsque, la première fois qu’elle me vit, elle trouva que j’étais une personne si exceptionnelle, que nous avions tant en commun, qu’elle ne savait pas comment elle allait faire pour me quitter. Moi non plus, et je paniquais un peu. Mon compagnon me prit fermement par la taille et me ramena seule à la maison.

La fois suivante, elle m’avait complètement oubliée, et cela recommença. Je me sentais moins inquiète. Et cela continua, un besoin irrépressible de séduire sans que le support eût la moindre importance.

Elle était (elle est toujours) si belle qu’elle avait été mannequin vedette d’un grand couturier. C’était une artiste, une pianiste aux dons multiples : dessin, écriture. Elle s’habillait tout en blanc, un rituel très précis pour l’opération sacrée. Un jeune homme de bonne famille l’avait violée lorsqu’elle était adolescente et elle s’était retrouvée mère à seize ans. Ses rapports avec son fils était épouvantables, ce que j’écris au sujet de Martin, c’est de la limonade par rapport à la réalité.

Voilà Lovita telle qu’elle existe, et ses rapports très spéciaux avec la nourriture, la volonté de se retrouver pur esprit alors que personne ne peut oublier son corps de rêve, avec son incapacité à connaître une vie normale sans quelqu’un pour s’occuper d’elle. Je l’ai à peine travestie, remplaçant seulement le piano par le pinceau. Notre amie commune appréhendait un peu lorsqu’elle décida de lire Lovita broie ses couleurs… Elle a « adoré » le livre et ne s’est pas reconnue. Par contre je me suis fâchée avec une amie artiste, blonde aux yeux bleus, la générosité-même dans sa vie et dans son physique, qui – elle – s’est reconnue dans l’héroïne. Pas un seul instant je n’avais pensé à elle, allez comprendre !

Tout le monde sait bien que l’écrivain est une sangsue, alors les proches connaissent une obsession : la traque des traces de leur propre vie dans l’objet imprimé qui les mettra pour toujours dans une posture qu’ils détestent d’avance. Mon amie ne m’a toujours pas pardonné cette trahison fictive et fictionnelle.

 

 

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6 réflexions sur « La véritable Lovita mise à nue »

  1. Antigone (@EcritsAntigone)

    Je connais quelqu’un qui pourrait être comme cette héroïne. Il est difficile de vieillir pour tout le monde, mais pour ces femmes là ?! J’aime bien ce que vous racontez sur vos livres et leur impact dans votre vie réelle, c’est intéressant. 😉

    1. Nicole Auteur de l’article

      Merci Antigone. L’impact de mes livres dans la vie réelle va bien au-delà des simples modèles de mes héroïnes; ils peuvent agir d’une façon autrement plus profonde, plus dangereuse parfois. Je crois que la semaine prochaine je parlerai de Louis Favre qui a phagocyté ma vie pendant des années.

  2. Roger Dautais

    A partir du moment ou l’on devient un personnage public, et l’écrivain en est un, on monte en première ligne. Tous se déverse, venant du lecteur, le bien comme le mal et souvent la confusion s’en mêle. Il est toujours intéressant d’en tirer la leçon, même si vous en laissez quelque plumes au passage. Elles repousseront. Le désir d’écrire est le plus fort et les lecteurs attendent toujours du nouveau.
    Amitiés.

    Roger

    1. Nicole Auteur de l’article

      Vous avez raison, Roger, le désir d’écrire est le plus fort. Et les lecteurs me trouveront peut-être là où ils ne m’attendent pas.

  3. AlainX

    C’est le début qui me surprend ! Que l’on puisse t’écrire en espérant que Lovita c’est toi !
    Par un seul instant ça ne m’a traversé….
    Qu’un auteur trouve inspiration dans son entourage, surement, qu’il projette sur chacun de ses personnages tout à tour ses propres fantasmes, désirs, sentiments horribles inavoués, envie de trucider et tout ce qu’on voudra, c’est le plus souvent me semble-t-il. Comme une délectation je suppose…
    Enfin ma modeste expérience de quelques « nouvelles » me fait dire ça comme ça….

    Cela dit, je la plains de tout mon coeur cette femme séductrice que tu évoques… quelle prison terrible que le besoin de séduire en permanence, qui génère l’isolement intérieur alors qu’on est entourée et convoitée…
    Céder aux avance est l’échec du (de la) séducteur(trice)….
    J’en ai vu quelques unes dans mon Cabinet… Mais aucune n’a réussi dans ses entreprises. Passer par cet « échec » permet d’ouvrir la porte vers soi-même, avec tous les risques…. de se trouver….

    1. Nicole Auteur de l’article

      Merci Alain de ne pas avoir pensé que j’aurais pu être Lovita! Cela m’avait causé un malaise, tout comme les collègues de mon mari qui lui tapaient sur l’épaule d’un air égrillard. Un roman, par son côté public, cause un certain nombre de mésaventures.
      Quant au modèle de Lovita cela fait des années que je ne l’ai pas vue. Elle ne pouvait avoir que des amies d’une très grande générosité, comme notre amie commune. Elle vieillit et trouve cela difficile semble-t-il. Mais je trouve aussi que c’est difficile, alors ce n’est pas significatif!

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