Dans le silence du vent, souffrance indienne

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Louise Erdrich a obtenu le National Book Award pour ce livre en 2013, une reconnaissance au plus haut niveau pour celle qui est le porte-parole de la nation indienne depuis maintenant trente ans.

Dans sa postface Louise Erdrich nous rappelle que : « une femme amĂ©rindienne sur trois sera violĂ©e au cours de sa vie (et ce chiffre est certainement supĂ©rieur car souvent les femmes amĂ©rindiennes ne signalent pas les viols); 86% des viols et des violences sexuelles dont sont victimes les femmes amĂ©rindiennes sont commis par des hommes non-amĂ©rindiens ; peu d’entre eux sont poursuivis en justice. »

Louise Erdrich a transformĂ© cette rĂ©alitĂ© brutale en un grand roman sur la notion de la justice avec un adolescent pour personnage principal : Joe, treize ans, fils tardif d’un juge tribal et d’une spĂ©cialiste aux appartenances tribales. Père et fils bricolent paisiblement mais GĂ©raldine ne rentre pas. En quelques pages tout est campĂ© : la vie paisible dans la rĂ©serve, les personnages familiaux principaux et des notions qui nous sont Ă©trangères comme le droit tribal dans le Manuel de droit fĂ©dĂ©ral indien. Le drame aussi : GĂ©raldine a Ă©tĂ© sauvagement agressĂ©e et violĂ©e.

La vie de toute la famille bascule. Joe vient de terminer son enfance :

Je n’avais presque jamais dĂ©fiĂ© mon père en paroles ou en actes, mais lĂ  c’est passĂ© inaperçu. Il y avait dĂ©jĂ  eu ce regard, Ă©trange, comme Ă©changĂ© entre deux hommes adultes, et je n’y Ă©tais pas prĂ©parĂ©.

Le droit spĂ©cifique indien crĂ©e une grande inĂ©galitĂ© de traitement entre AmĂ©rindiens et AmĂ©ricains et Louise Erdrich avec Dans le silence du vent nous en donne un exemple parfait : choquĂ©e, GĂ©raldine est incapable de parler et de dire oĂą a eu lieu le viol. ÉlĂ©ment fondamental : si celui-ci a eu lieu en dehors du territoire le droit amĂ©ricain s’appliquera avec pour consĂ©quence peu de chance pour que le violeur soit poursuivi.

Joe raconte l’histoire une fois devenu adulte et devenu Ă  son tour juge tribal, comme avant lui son père et son grand-père. Il est le personnage central du roman : face Ă  sa mère qui ne sera plus jamais la mĂŞme, Ă  son père qui dĂ©fend une notion de justice qu’il ne comprend pas, Joe Ă©volue. Le gentil garçon qui fait des bĂŞtises avec ses copains va se transformer en enquĂŞteur puis en justicier.

Comme dans les autres romans de Louise Erdrich, tout se tisse, se mĂŞle, s’enchevĂŞtre, histoire individuelle et collective, lĂ©gendes indiennes et souffrance d’un peuple dĂ©cimĂ© par l’homme blanc et qui survit toujours aussi difficilement. Joe est un miroir de cette sociĂ©tĂ© sacrifiĂ©e mais bien vivante avec ses rituels, sa Maison-ronde, ses personnages pittoresques, ses fantĂ´mes et ses lĂ©gendes cruelles. On se laisse envoĂ»ter par les lĂ©gendes indiennes mais très vite la rĂ©alitĂ© historique de cette civilisation sacrifiĂ©e vous prend Ă  la gorge, l’âpre poĂ©sie laisse place au silence quand meurent le chant des bisons et la nation indienne.

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2 réflexions sur « Dans le silence du vent, souffrance indienne »

  1. Valérie

    Je ne parviens pas Ă  aimer la plume de cette auteure, malgrĂ© mes nombreuses tentatives. Par contre, j’ai beaucoup aimĂ© le dernier Boyden qui traite aussi des indiens, ainsi que Le fils de Philipp Meyer (mĂŞme s’il n’est pas du tout indien).

    1. Nicole Auteur de l’article

      On entre ou on n’entre pas dans un univers romanesque, mĂŞme si la civilisation indienne fascine, c’est le droit le plus strict du lecteur. Je n’ai pas lu le livre dont vous parlez, le dernier Boyden, ni le livre de Philip Meyer. Merci ValĂ©rie de m’ouvrir des horizons!

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