Les ogres de l’édition française ne se dévorent pas entre eux, ils jouent au Monopoly des acquisitions et cessions d’actifs : le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky rachète Editis le groupe qui a avalé une cinquantaine de maisons d’éditions, ce qui permet au groupe Vivendi de Vincent Bolloré d’effectuer son OPA sur le groupe Lagardère. Transferts, fusions-acquisitions, les combats au plus haut niveau pour dominer le monde de l’édition se poursuivent, et la commission européenne donne son feu vert à ce gigantesque Mikado. Rappelons au passage que le milliardaire tchèque détient 25 % de Fnac Darty, le premier détaillant de livres francophones, et qu’il pourra être plutôt tentant de favoriser les livres de sa propre galaxie éditoriale…
Pendant ce temps, rien ne transpire de l’atmosphère qui règne dans les maisons d’édition dont le lecteur, naïvement, pense qu’elles font ce qu’elles veulent et publient les auteurs pour lesquels elles éprouvent un coup de cœur littéraire. Or, tout en haut de l’organigramme, il n’est pas question de littérature, mais de gros sous, et cela influe sur les politiques de la maison. Un écrivain doit rapporter de l’argent. D’où la concentration des auteurs, de la publicité, avec bien sûr une multitude de petits soldats balancés dans le grand bain et noyés aussitôt que les chiffres tombent. Plus le temps de fidéliser un auteur, de l’accompagner. Un livre peut être bien reçu par la critique et les lecteurs et pas le suivant, l’auteur a-t-il changé entre-temps ? Seules quelques maisons indépendantes (et financièrement solides !) peuvent se permettre de suivre leurs écrivains et leur permettre de développer leur œuvre, les autres sont soumises au diktat économique.
Situation désespérée ? Évolution inéluctable de notre société vers le prêt-à-penser, prêt-à-digérer ? Les mêmes livres sur les tables des salons dans les logements des gens qui lisent ? Pas du tout. Ce serait oublier le mouvement invisible des Petits Poucets de l’édition, ceux qui refusent la logique du profit. Il existe une kyrielle de petits éditeurs qui désirent publier uniquement ce qui les a touchés, les auteurs dont les qualités d’écriture et de thème méritent d’être défendues.
Je vous donne l’exemple de l’Astre Bleu.
Il s’agit d’une édition associative à compte d’éditeur exclusivement et à but non lucratif. Oui, à but non lucratif, cela existe… Cinq collections, dont la collection Ombres qui donne à lire des polars très originaux, dont le magnifique Étant donné les abeilles de Pascale Expilly dont je vous parlerai dans l’article suivant.
Les livres de cet éditeur (que vous pouvez commander sans problème à votre libraire habituel) sont magnifiques et montrent une qualité d’exécution que certaines maisons ont parfois oubliée. Tout est pensé dans le moindre détail, et la maison, si elle ne dispose pas de grands moyens, peaufine l’orthographe (parfaite), et la mise en page (graphisme soigné et cohérent selon les collections). La solidité et la beauté des couvertures complètent le panorama : tout indique l’amour des livres et le respect des lecteurs et des auteurs.
L’Astre Bleu n’est pas unique en son genre ; ils sont nombreux à estimer que les lecteurs ne doivent pas être gavés de la même soupe, à rêver de donner leur chance à des textes magnifiques, à mettre en lumière des écrivains que la rentabilité et le manque de relations laissent dans l’ornière. Pour les découvrir il n’y a souvent qu’une façon de faire : il faut fréquenter les salons régionaux, loin des très grosses machines qui squattent les médias. Je ne dis pas que celles-ci n’ont pas leur utilité, mais seulement que si vous désirez découvrir d’autres univers, d’autres imaginaires, vous devrez fournir un petit effort. Vous n’avez pas envie de sortir ? Dans les petits salons vous attendent des conversations inattendues, des écrivains dont vous ignoriez l’existence et dont la sensibilité colle parfaitement à la vôtre. Dans ce livre que vous venez de feuilleter d’un air indifférent certaines phrases saisies au hasard vous ont happé le cœur, laissez vous aller à la découverte !
Tant de livres correspondent à la théorie du goût creux : on dévore les pages comme un camembert industriel dont on se dit que le goût va venir après un certain nombre de bouchées, mais non, on finit le fromage ou le livre dans la frustration. Les petits éditeurs indépendants choisissent leurs écrivains, ils les défendent parce qu’ils croient à leur talent et à leur univers. Leur assise financière est fragile, ce sont des Petits Poucets dont un certain nombre se perdent dans la forêt ou sont dévorés par l’Ogre, mais tant qu’ils existent, ils sont l’honneur de leur profession.
Cela mérite une petite visite, non ?
Je me promène ce matin sur votre site que je viens de découvrir, c’est très intéressant et instructif par exemple j’ignorais que la musique d’Adèle H avait été jouée .
Vous vibrez d’une certaine passion pour la « culture » , ma mère était ainsi jadis il me semble .
Je reviendrai ici , continuer la découverte de l’espace que vous avez créé, vous avez sans doute un esprit solide et bien nourri ……
Bravo pour votre site et merci de votre travail .
Vous m’avez donné faim avec votre article sur le diner royal à Versailles , rire ! Miam miam , j’aurais bien voulu y être , ô même si ce n’est pas éco-responsable , juste pour goûter les mets présentés. Le Marco est curieux et gourmand aussi , et un peu gourmet.
Merci Marco pour votre commentaire, votre humour et votre référence à votre mère et à mon esprit solide et bien nourri!
Je suis allée sur votre blog, il y a de jolies poésies. mais j’ai de la peine avec la police style machine à écrire. C’est volontaire je suppose, pourtant vous ne semblez pas âgé…