Post-vérité contre démocratie

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Le mot de l’année 2016 selon l’Oxford Dictionaries est “post-truth”. L’anglais possède une capacité que ne connaît pas le français de créer facilement de nouveaux mots évocateurs. Post-truth, nom désignant une vérité reconstituée a-postériori, il est difficile de trouver un équivalent qui reste à créer dans notre langue.

Le dictionnaire  le définit comme un substantif « relatant ou indiquant des circonstances dans lesquelles les faits objectifs sont moins importants pour faire changer l’opinion publique que les appels à l’émotion et à la croyance personnelle ».

Trump media part

Photo Mediapart

Le mot « post-truth » a été beaucoup employé après les attaques répétées du président Trump accusant les journalistes de propager des fausses nouvelles pour le desservir. Bien sûr qu’il y avait plus de monde pour son investiture que pour celle d’Obama, les médias avaient falsifié les images. Les médias ne l’aiment pas, ils veulent sa peau, il ne se laissera pas faire. Sa vérité triomphera.

Fillon

Photo Paris Match

Je me demande quel serait le nom français utilisé après l’attaque et contre-attaque massive de François Fillon utilisant les mêmes arguments que le président américain. Son attaque en règle contre la presse est un copié-collé de l’Américain.  Ses appels à l’émotion (« Pénélope, je t’aime ») et à la croyance personnelle (« On n’a jamais vu une attaque pareille ») sont destinés à faire oublier le raisonnement. On sait maintenant que le cerveau ne sait pas gérer émotion et raisonnement en même temps. Raison pour laquelle la colère est aveugle, par exemple, et nous fait faire des choses que notre raison réprouve absolument.

De tout temps on a falsifié l’Histoire. Depuis que l’image est reine on a gommé les éléments gênants. Disparus les proches de Staline sur les photos officielles après leur disgrâce.  L’appel massif à l’émotion et l’accusation virulente ne sont pas récentes non plus, Hitler aurait pu donner des leçons aux politiques actuels. Ce qui est nouveau, me semble-t-il, c’est la résurgence de méthodes grossières à un très haut niveau dans nos démocraties occidentales.

En Amérique comme en France, la mise en cause de la presse devrait beaucoup plus nous inquiéter qu’elle ne le fait actuellement. La presse fonctionne depuis longtemps comme un contre-pouvoir, débusquant les abus, les mensonges, les manipulations. La manière dont, actuellement, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, on oriente la vindicte populaire contre ceux qui sont chargés de trier les informations et de soulever le hiatus entre le discours et les actes de ceux qui nous gouvernent, devrait provoquer des manifestations de masse. Défendons nos démocraties plutôt que de nous indigner en riant lors de nos discussions de comptoir. Un jour nous ne rirons plus, et on ne pourra pas dire que nous n’avons rien vu venir.

Je me demande si, à l’imitation de l’Oxford Dictionaries, le Larousse ou le Robert trouvera un mot équivalant à « post-truth » qui soit autre chose qu’un copié-collé pour une réalité importée des États-Unis au début de l’année 2017.

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Une réflexion sur « Post-vérité contre démocratie »

  1. Edmée De Xhavée

    Je penserais, comme traduction éventuelle, à « vérité-rétroactive » 🙂 Mais tu as raison, il devient trop facile d’accuser la presse, l’excuse facile qu’on dégaine à la moindre difficulté.

    Le mensonge éhonté nous surprend, parce qu’on nous apprend tôt dans la vie à ne pas mentir, et qu’on se fait débusquer et gronder ou ridiculiser quand on persiste. En grandissant nous abandonnons le mensonge ou en avons besoin, comme d’une drogue, pour continuer. Et d’autres l’auraient bien abandonné mais se fichent dans des situations telles qu’un petit coup de pouce met la vérité sous le tapis, et ensuite il faut un coup de main pour couvrir le coup de pouce, parce qu’on perd le sens du réel, et finalement on se croit … invincible derrière ce mur de mensonges.

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