Le secret de l’empereur, dépouillement et mystère

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Le-secret-de-lempereurEn 1555 l’empereur Charles Quint décide d’abdiquer et de se retirer dans un monastère en Estrémadure. Procédure unique, exceptionnelle dans l’Histoire. Charles doit inventer le cérémonial, dompter les réticences de son entourage qui ne comprend pas cet acte singulier.

L’empereur est usé par les batailles et la difficulté de conserver l’unité du Saint Empire romain germanique, un empire immense qui s’étend jusqu’aux Amériques et auquel il a imposé un temps unique dans toutes les provinces.

Le temps. La grande obsession de l’empereur qui possède une collection d’horloges extraordinaires et dont l’un des fonctionnaires occupe la fonction de garde-temps.

Le titre du roman est racoleur, Le secret de l’empereur, la raison intime de son abdication, nous ne les connaîtrons jamais, ils appartiennent pour toujours au secret de l’âme du plus puissant personnage de son temps. Ce qui nous est restitué en revanche – et magnifiquement – par Amélie de Bourbon Parme, c’est une atmosphère, un temps qui nous est irréductiblement étranger, le XVIe siècle. La toute-puissance de l’Église catholique est menacée par les troubles provoqués par les protestants et son bras armé de l’Inquisition frappe à tour de bras, à tous les échelons de la société ; même l’empereur n’est pas à l’abri.

Ce qui nous est montré dans ce livre et qui est universel, est la façon de se déposséder de ce qui a été l’essentiel de sa vie à l’approche de la mort. Se dépouiller du pouvoir, de la richesse quand la souffrance rappelle d’une manière lancinante que le temps est compté.

Charles Quint se dépouille de tout, sauf de ses plus précieuses horloges, parce que la mesure du temps est la dernière passion qui le rattache à la vie terrestre. Les horloges sont d’ailleurs décrites comme « des provisions d’éternité ».

Quelqu’un a déposé une mystérieuse horloge noire chez l’Empereur. Horloge étrange dont le mécanisme résiste à l’horloger de l’Empereur et à l’Empereur lui-même. Ce symbole d’une façon de penser hérétique qui ne met pas la terre au centre du monde, va devenir le moteur de ce livre fort bien construit qui réussit le tour de force de rendre palpitant une intrigue ténue.

L’écriture n’a pu se mettre au diapason de l’époque, impossible dans ce bouillonnement qui n’a pas encore abouti au français moderne ; alors le XVIIe siècle vient à la rescousse, siècle d’or de l’écriture à son apogée de pureté, et les descriptions d’Amélie de Bourbon Parme prend des accents de La Rochefoucauld ou de La Bruyère lors du portrait d’un horloger :

L’homme avait beaucoup vieilli, comme si les heures passées à régler des pièces minuscules permettant de mesurer le temps s’étaient multipliées entre elles. Il avait perdu la plupart de ses cheveux et son crâne presque entièrement dégarni ressemblait à une capitulation.

Ou celui d’un des religieux qui attend l’empereur sur le quai sous une pluie battante :

Un homme de haute taille au costume si sombre qu’il semblait attendre la mort de quelqu’un. (…) Une sorte de naufrage sur terre ferme, d’engloutissement à marée basse.

L’écriture  magnifie le dépouillement de l’empereur, la difficulté de tout quitter alors que tout s’y oppose :

Depuis qu’ils avaient quitté Gand par le canal de Zélande à bord du navire El Espiritu Santo, ils s’étaient arrêtés à Zuitbourg pour attendre des vents favorables. Mais rien depuis deux semaines. Pas un souffle, pas une ride, pas un signe à l’horizon sur la mer tendue comme une toile. Il y avait dans cette absence de vent un acharnement de l’air, l’obstination d’un vide plus périlleux qu’une tempête. Un oubli du ciel laissant passer les jours sans rien attendre de retour. (..) Le ciel n’était plus qu’un immense précipice, un gouffre en hauteur dans lequel la retraite de l’empereur pouvait tomber.

Malgré son argument extrêmement précis, l’annonce en 1555 de son abdication par l’empereur Charles Quint, Le secret de l’empereur n’est pas un roman historique mais une fresque intime et universelle sur le renoncement.

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2 réflexions sur « Le secret de l’empereur, dépouillement et mystère »

  1. Edmée De Xhavée

    Quel beau sujet, qui doit un peu toucher au mystique, ou même beaucoup. C’était une époque de piété et on peut se dire qu’à la fin d’un règne, un homme qui s’était sans doute voulu « juste » avait dû faire bien des horreurs – ou les faire faire – qu’il lui était difficile d’excuser. Alors oui, terminer ses jours sans apparat…. dans la modestie… on peut comprendre (sans comprendre…).

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      C’est exactement le sujet du livre, l’obsession de la maîtrise du temps (façon de conserver un certain pouvoir sur sa vie) en plus. Merci Edmée pour ce très fin commentaire.

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