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Les romans de John Fante : uppercut assuré

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Connaissez-vous l’auteur américain John Fante ? Cet insupportable matamore, cet odieux mari, cet individu qui remue les moulins à vent de la postérité et se débat avec sa misère et ses contradictions ? Ce magnifique écrivain italo-américain qui n’a été vraiment reconnu que peu avant sa mort, alors qu’il était devenu aveugle, amputé des jambes, soutenu par sa femme qui ne l’a jamais abandonné et à qui il a dicté son dernier livre ?

Pendant que je mangeais, Jim parlait.

« Tu lis tout le temps, il m’a dit. T’as jamais essayé d’écrire un livre ? »

Ça a fait tilt. Dès cet instant, j’ai voulu devenir écrivain.

« J’en écris un en ce moment même », j’ai dit.

Il a voulu savoir quel genre de livre.

« Ma prose n’est pas à vendre, j’ai répondu. J’écris pour la postérité.

— J’ignorais ça, il a fait. T’écris quoi ? Des nouvelles ? Ou de la fiction pure ?

— Les deux. J’suis ambidextre.

— Oh ! J’ignorais ça aussi.

John Fante romans IVoilà ce qu’il écrit au début de La route de Los Angeles et ce sera le projet de toute sa vie. Dès le départ il trouve son personnage, son alter ego Arturo Bandini. Et son langage si personnel, mélange d’un style parlé balançant entre humour et dérision.

Ce premier livre, John Fante aura beaucoup de mal à le faire publier, ce roman choque l’Amérique : trop excessif, le Rital semble avoir résisté au laminoir américain. Recalé. La religiosité envahissante de sa mère et de sa sœur, les galères, mais surtout sa quête de la femme ont de quoi choquer l’Amérique :

Une femme est entrée dans le magasin […] Son âge importait peu : elle était là – voilà ce qui comptait. Elle n’avait rien de remarquable, elle était plutôt banale, mais je devinais cette femme. Sa présence a bondi à travers la pièce pour aspirer l’air hors de mes poumons. C’était comme un déluge électrique. Ma chair tremblait d’excitation. Je me suis senti au bord de l’asphyxie, alors que le sang rouge se ruait dans mes veines.

Ce qui choque peut-être, plus que cette bouffée d’hormones, c’est que le jeune homme insiste : la femme n’est ni belle, ni jeune, ni bien vêtue. Continuer la lecture

Romans 1: La route de Los Angeles/Bandini/Demande à la poussière
John Fante
Christian Bourgois, juin 2013, 752 p., 22 €
ISBN : 978-2-267-02512-5

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