Le Rwanda était un petit pays d’Afrique inconnu de la plupart des Européens il y a une vingtaine d’années. Tout changea en avril 1994 lorsque les premiers témoignages racontèrent les atrocités qui s’y passaient. Durant cent jours, entre huit cent mille et un million de Tutsi ont été massacrés par les Hutu, soit les trois quart de la population tutsi.
Les tutsi, les cafards, comme les surnomment les Hutu, les cafards à exterminer.
L’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga, française par son mariage avec un coopérant rencontré au Burundi, se trouvait au moment des événements en Normandie où elle vivait avec son mari français et ses deux enfants. Cela lui a sauvé la vie.
Comment continuer après le massacre de presque toute sa famille ? Comment écrire lorsque l’on n’a dû son salut qu’au fait de se trouver à l’extérieur du pays au moment du génocide ? Toute l’écriture de Scholastique Mukasonga tourne autour de de cette problématique.
J’ai parlé des difficultés de l’autobiographe à capter le réel ; c’est bien plus compliqué lorsque les circonstances de la vie sont mêlées à un événement aussi épouvantable. L’auteure doit avoir à l’esprit à chaque instant, au moment où elle écrit et tente de faire revivre son passé pour ses lecteurs, le massacre qui a laminé les siens.
Le récit de Scholastique Mukasonga est un excellent exemple de la façon dont un écrivain peut transcender la matière de sa vie, la dépasser pour en faire un objet à la fois ethnologique, historique et sociologique. Dans ce retour sur l’enfant et la jeune fille d’autrefois, c’est tout un monde disparu que l’auteure ressuscite.
Un si beau diplôme ! raconte l’obstination de l’auteure a obtenir le diplôme d’assistante sociale, c’est le fil conducteur de ce récit autobiographique. Cette quête du diplôme commence dès l’enfance, et ce n’est pas pour rien que l’auteure dédie son livre à son père, Cosmas, « pour qui seule l’école pouvait sauver la mémoire », ce père qui ne voyait de salut pour ses enfants que dans un diplôme. Cosmas savait mieux que personne que les Tutsis étaient en sursis, lui qui avait été forcé d’accepter le regroupement des Hutu et pressentait le pire.
En tout cas, […] c’est ce papier, si tu l’as un jour et il te le faudra, idipolomi nziza, un beau diplôme, c’est ce qui te sauvera de la mort qui nous est promise, garde-le toujours sur toi comme le talisman, ton passeport pour la vie. (p. 12)
La petite fille veut devenir assistance sociale, mais elle sait que cela risque d’être difficile « puisque ma carte d’identité portait, comme une marque infamante, la mention TUTSI. » Continuer la lecture