Alberto Manguel et l’art du recyclage

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L'éloge de la folieTout le monde se souvient de Une histoire de la lecture qui a obtenu le prix Médicis dans la catégorie essais en 1998, réflexion étourdissante d’érudition qui a séduit beaucoup de lecteurs.

Nouvel éloge de la folie, sous-titré joliment essais édits & inédits tient à la fois du raclage de fonds de tiroir et du recyclage d’œuvres antérieures et ne mérite pas un aussi beau titre. L’éditeur aurait pu choisir Ressucée massive cela aurait été plus honnête.

Qu’on en juge plutôt : sur les 39 réflexions tenant lieu de chapitres, 12 figurent Dans la forêt du miroir, toujours chez Actes Sud ; que l’on se rassure, ce n’est pas le seul endroit où on les a déjà trouvées, la version anglaise ayant été publiée, suivie d’une version française ailleurs… Notre auteur, qui a le don des langues et du commerce, fait feu de tout bois : conférences, articles de journaux, préfaces et autres introductions à des séminaires et même au programme de l’Opéra du Rhin à Strasbourg…

En définitive, dans cet ouvrage dont le fil conducteur est la lecture d’Alice au pays des merveilles, pas une seule page de neuve, à part la préface, deux pages entières dans lequel l’auteur remercie la personne qui lui a « suggéré la structure et l’ordre de ce livre ainsi que la sélection des textes ».

« Le « motif dans la tapisserie » c’est la formule inventée par Henry James pour désigner le thème récurrent qui, telle une signature secrète, parcourt l’œuvre d’un auteur » écrit encore Alberto Manguel dans la préface.

Dans le cas précis, il ne s’agit pas de « motif dans la tapisserie » mais de patchwork composé de morceaux de tissus qui ont beaucoup servi, unis des couleurs disparates.

Ce Nouvel éloge de la folie ne tient pas les promesses de la quatrième de couverture. On peut bien sûr n’avoir rien lu d’Alberto Mangel et être séduit par son érudition. On  sera de toute façon gêné par l’assemblage disparate de ce recyclage qui n’apporte rien à la compréhension intime de la lecture.

Bien sûr on trace toujours le même sillon, encore faut-il que celui-ci apporte une réflexion nouvelle, alors que dans ce livre composé de bric et de broc, le malaise s’installe.

Si vous vous êtes laissé séduire par le beau titre de l’ouvrage, lisez-le « à sauts et à gambades » pour le spectacle d’une érudition époustouflante mais n’attendez pas que l’auteur vous explique pourquoi ni comment l’on passe de l’autre côté du miroir et pourquoi cela nous est si précieux.

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2 réflexions sur « Alberto Manguel et l’art du recyclage »

  1. Sabrina

    Tout à fait! Qu’une telle ‘resucée massive’ (j’adore!!) soit proposée par Actes Sud est extrêmement décevant, d’autant plus que, comme vous le soulignez, la grande majorité de ces textes ont déjà été édités en français. Même le remerciement adressé par l’auteur à Craig Stephenson, celui qui a «suggéré la structure et l’ordre de ce livre ainsi que la sélection des textes», a été recyclé (Dans la forêt du miroir, 2000, p. 16)… Difficile de ne pas se sentir lésé, en tant que lecteur, lorsqu’une maison d’édition se permet un tel recyclage, tout en ajoutant présomptueusement au titre l’adjectif ‘Nouvel’… !

    1. Nicole Auteur de l’article

      Merci Sabrina de compléter la liste du copié-collé… On attend beaucoup mieux d’Actes Sud, et il est nécessaire de relever ce genre de pratiques pour éviter leur généralisation.

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