Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Le clown désespéré de Vivian Maier

Shares

V.M.7

C’est un clown traditionnel, un Auguste, celui avec une boule rouge au bout de son nez, avec un chapeau ridicule, celui qui doit mettre en valeur et gêner à la fois le Clown blanc, le maître du jeu. L’Auguste prend des claques, fait des galipettes, des bruits grotesques et se moque du Clown blanc. Il fait rire les enfants par sa roublardise, ses immenses chaussures et ses maladresses.

Le clown de la photo de Vivian Maier ne fait rire personne.

Continuer la lecture

Shares

L’humour de Gary Larson en contrepoids à la bêtise

Shares

Impossible de décrire L’univers impitoyable de Gary Larson.
Il faut regarder le dessin, fluide, presque enfantin, et être sensible au nonsense anglo-saxon.

C’est un livre qui a été publié il y a plus de trente ans, la préface était de Cavanna. Il montre des humains d’une bêtise et d’une arrogance crasse : les temps se prêtent à la lecture ou à la relecture de ces dessins jubilatoires,

Gary LarsonJe suis sûre que vous avez tous vu un jour ou l’autre un dessin de Gary Larson. Celui où les vaches et les poules discutent théorème mathématique, par exemple. Surgit le fermier ; on n’entend plus que des « Meuh » et des « Cot cot »…

Les éditions Dupuis ont repris les dessins de Gary Larson en cinq volumes, autour des années 2000. On doit les trouver plus facilement que le livre dont je vous parle, mais il figure sans doute dans votre bibliothèque préférée, Gary Larson échappant souvent au redoutable « désherbage » des bibliothécaires quand il faut faire de la place sur les rayonnages.

Gary Larson, 4 Continuer la lecture

L’Univers impitoyable de Gary Larson
Gary Larson
Presses de la Cité, 1984
ISBN : 978-2-258-02386-4

Shares

Les Vies de papier, hommage à tous les passeurs de livres

Shares

vies de papierMalgré son titre platement racoleur, ce livre n’est pas un hommage aux vies de papier mais à la littérature même et à tous ses passeurs. Cela commence par les écrivains qui sont souvent dépassés par leurs héros et sont amenés à écrire des phrases qui les confondent par leur vérité. Cela continue par les libraires et les traducteurs. Les libraires offrent l’objet livre dans leur établissement et les traducteurs permettent aux lecteurs qui ne connaissent pas la langue d’origine d’avoir connaissance d’une œuvre.

Aaliya a toujours habité Beyrouth, elle a 72 ans et les cheveux bleus, rapport aux modes d’emploi qu’elle ne lit jamais. Elle habite depuis cinquante ans le même immeuble, ne fraie avec personne. Personne de vivant, s’entend, parce que son univers est peuplé de livres envahissants. Ils remplissent une pièce entière, car Aaliya possède une passion secrète : elle traduit ses livres préférés en arabe à partir de traductions française et anglaise. Ses cartons de feuilles s’entassent, envahissent l’espace vital. La musique – surtout celle de Chopin – elle l’a découverte grâce aux livres. Aaliya l’élevée, celle au-dessus nommée ainsi par son père qui est mort très jeune, immédiatement remplacé par son frère dans le lit de sa mère, car une femme sans mari, ce n’est rien du tout. Une série de demi-frères suivra. Et déjà cette sensation d’éloignement, de rejet des autres :

Je suis le membre superflu de ma famille, son inutile appendice. (p24)

La femme inutile du titre anglais, An Unnecessary Woman.

Continuer la lecture

Les Vies de papier
Rabih Alameddine
Traduit de l’anglais par Nicolas Richard
Les Escales, août 2016, 329 p., 20,9 €
ISBN : 978-2-36569-206-9

Shares

Le géant qui fixe le ciel

Shares

bronzette

Il est allongé là depuis plusieurs saisons.

Le squelette dépouillé de l’arbre qu’il fut encombrait le pré et le regard. L’image de la mort : la tempête eut pitié. Le paysan le débita sur place, mais, troublé par les branches et leurs formes si émouvantes, il mania la tronçonneuse comme un sculpteur le ciseau à bois.

Artiste-paysan, voilà ce qu’il devenait sans le savoir. C’était plus fort que lui, impossible de débiter l’arbre mort en bûches, ces contours anguleux lui parlaient, ce n’était pas du bois, non, quelque chose de vivant, d’intime.

Continuer la lecture

Shares

Le châtiment des goyaves, et autres nouvelles cruelles

Shares

Mise en page 1Dès les prémices de son œuvre, mais elle ne le savait sans doute pas, l’univers de Carine Fernandez était circonscrit par les éléments forts de sa vie : révolte devant un univers familial étouffant et inscription de ses textes dans les lieux de sa fuite, au Moyen-Orient. Beyrouth, Djeddah, Le Caire. Trois ans à Chicago, puis douze en Arabie Saoudite. Cette étrange Ulysse est retournée en France, mais est-elle vraiment revenue ?

Une bonne partie d’elle est restée dans cet Orient vécu de l’intérieur pendant de nombreuses années, ce Moyen-Orient tout sauf mythique lorsqu’on est une femme. Depuis La Servante abyssine, même si légendes et magie orientale saupoudrent parfois ses textes d’une aura de mystère, la cruauté et l’enfermement règnent en maîtres.

Le présent recueil, Le châtiment des goyaves et autres nouvelles, nous embarque dans une étrange caravane sinuant de la ville du Caire à l’Arabie, du Yémen à l’Irak. Elle emporte son lot de personnages fragiles et de rêveurs confrontés à la réalité du Moyen-Orient, leurs ballots de révoltes et de destins avortés. Dans Le visage, Hafza abandonne l’éblouissement de la cité disparue entrevue dans son enfance pour vivre le quotidien auquel elle était promise ; elle  retrouvera Le visage d’une manière poignante, après avoir vécu une vie d’enfermement :

Le monde extérieur n’existait que par ce qu’elle réussissait à entrevoir à travers les fenêtres exiguës ; le mur borgne de la maison d’en face avec le vantail de fer de l’entrée qui grinçait quand les voisins rentraient chez eux, furtifs, comme des voleurs. […] Ses yeux ne verraient pas autre chose, toujours une paroi limiterait l’horizon. Il n’y avait pas d’autre infini que le ciel. […]

Elle était devenue arbre alors qu’elle se sentait oiseau.

Quelle magnifique façon de décrire le rêve qui s’éteint !

Continuer la lecture

Le châtiment des goyaves
Carine Fernandez
Éd. Dialogues, janvier 2014, 132 p., 16 €
ISBN : 9782918135852

Shares