Le sujet de L’autre Joseph est alléchant : l’arrière grand-père de l’auteure était compagnon d’enfance de Joseph Djougachvili, autrement dit Staline, et sans doute plus, tellement la ressemblance entre les deux garçons et leur père supposé est frappante.
Cet ancêtre que Kéthévane Davrichewy n’a jamais connu, elle va tenter de le ressusciter, de restituer sa vie aventureuse de révolutionnaire dans le compagnonnage de celui qui ne se faisait pas encore appeler Staline. La grande histoire confondue avec la petite, sans compter l’affectif, bien sûr…
Le sujet n’est plus seulement alléchant, il devient risqué.
L’auteure a fourni manifestement un très gros travail d’enquête sur la Géorgie du début du 20e siècle, ses coutumes, les soubresauts de la révolution russe… Hélas, le travail ne suffit pas à faire un bon roman. Il est difficile de passer de l’intime à l’historique avec naturel, quant aux relations entre les deux Joseph, elles semblent parfois artificielles, un peu enfantines, comme si cette enfance commune était devenue une fixation. Et il y a les trous, les énormes trous dans la vie de ce Joseph, que l’auteure choisit avec honnêteté de ne pas combler, mais cela donne un livre bancal et par moments ennuyeux.
L’histoire familiale émouvante (l’autre Joseph n’était pas vraiment un modèle d’époux et de père) et les répercussions à travers les générations de la vie de l’ancêtre sont les moments les plus réussis, certainement parce que les plus sincères. Sans doute l’auteure aurait-elle dû se demander ce qu’elle voulait faire avec ce texte: restituer un moment d’histoire ou une histoire familiale compliquée ? Le mélange des deux était trop périlleux, c’est dommage, le roman manque de souffle, la construction n’est pas maîtrisée et le style un peu scolaire ne sauve pas l’ensemble.
Je regrette vraiment de ne pouvoir recommander ce livre dont le sujet aurait mérité deux développements différents.
Kéthévane Davrichewy
Sabine Wespieser, janvier 2016, 280 p., 21 €
ISBN : 978-2-84805-200-7