Bonheur à gogos, pour les mêmes

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bonheur a gogos.inddTout est dit dans l’excellent titre polysémique.

Bonheur à gogos.

Les gogos étant vous et moi.  Jean-Louis Fournier qui a testé apparemment un nombre impressionnant de psys en tous genres nous donne le résultat distancié de son expérience. Ce grand déprimé qui n’a pas été gâté par la vie nous résume ses tentatives pour sortir du désespoir. Cela inclut forcément le recours aux psys de tout bord.

Cela fait rire au début :

Comment choisir son psy

Prenez-le dans les tons gris, les couleurs vives ça fatigue, on s’en lasse vite, le gris ça va avec tout.

Prenez-le plutôt beau à regarder, parce que vous allez le voir souvent.

Ses yeux doivent être brillants et vifs, s’ils sont ternes et vitreux abstenez-vous, il n’est pas frais.

Ne le prenez pas trop vieux, il ne s’agit pas qu’il meure avant vous. (p.39)

Une petite remarque : la citation qui précède est une page du livre, la page de gauche. La suivante est la page de gauche. Donc, dans ce « Bonheur à gogos », la moitié des pages numérotée est vierge.

Gogos ? Vous avez dit gogos ?

Je vous ai choisi une page d’une longueur moyenne, certaines tiennent du haïku, d’autres sont légèrement plus longues. La surprise et les rires du début s’estompent très vite pour faire place à la stupéfaction : tout ça pour ça ? On se sent floué, vaguement en colère pour s’être laissé prendre par la quatrième de couverture :

Jean-Louis Fournier a testé pour vous les thérapies en tout genre et la montagne de petits conseils qui peuvent tout changer. Résultat: un livre drôle, sensible et d’une grande justesse, qui nous fait rire de nos petits ou grands malheurs et nous libère de la tyrannie du bonheur.

C’est dommage, Jean-Louis Fournier possède l’ironie et la dérision nécessaire pour nous offrir un vrai livre sur un sujet important : la dictature du bonheur et les sangsues qui se sont précipitées pour pomper notre angoisse.

La pensée positive qui tape sur les nerfs, les aliments à éviter et autres méthodes Coué ont envahi notre vie. Le terrorisme du bonheur fait florès. Regardez attentivement le rayon librairie consacré au développement personnel et autres recettes miracles pour vous faire comprendre que vous êtes malheureux par votre faute. C’est effrayant. Je n’avais jamais remarqué à quel point cela avait prospéré, ce pousse-au-crime du sourire béat. À côté du rayon femme, bien sûr, et celui sur la nourriture qui va vous empêcher d’être malade et pourquoi pas, de mourir. Nous ne parlons pas de cette monstruosité qu’est la gastronomie, vous l’aurez compris, mais de la barbare orthonutrition.

Il y avait de quoi faire un livre sur les ravages du bonheur tarifé chez un psy ou chez les gourous du bonheur qui s’insinuent dans tous les médias de la planète. Il y avait de quoi faire un livre sur les raisons de cette dérive. Il y avait de quoi faire un vrai livre de 230 pages, et non un tricotage de vide agrémenté de rires sporadiques. Quinze euros ? Entrez dans votre pâtisserie préférée,  prenez un verre avec un ami, ou écoutez de la musique. Pleine de silence si c’est votre choix.

Bonheur à gogos !
Jean-Louis Fournier
Payot, octobre 2016, 231 p., 15 €
ISBN : 9782228916417

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5 réflexions sur « Bonheur à gogos, pour les mêmes »

  1. Eric

    Quelle définition ou plutôt quel ressenti mettons nous derrière le mot « Bonheur » ? Dans le dictionnaire on peut lire satisfaction complète, plénitude, état de conscience pleinement satisfaite.
    Au fond, quel ressenti intérieur en chacun de nous cela provoque t-il ?
    Comme vous l’écrivez Nicole, boire un verre avec un ami, écouter de la musique, être dans le silence peut provoquer ce ressenti de satisfaction complète. Celui d’être simplement dans le bien être, dans le maximum de conscience et ne pas ressentir le besoin d’autre chose dans ces moments là. Cela peut paraître simple cependant il me semble que nous ne sommes pas tous dans les mêmes dispositions et attentes pour le ressentir.

    Je vous rejoins dans cette abondance de livres sur le bonheur, de développement personnel … qui surfe sur la vague d’un mal être issu entre autre de notre société.

    Il y a deux livres qui m’ont fait du bien et éclairé sur le bonheur c’est « Vivre heureux » et « De l’art du bonheur » de Christophe André, toutefois cela reste purement subjectif.
    Dans les traversées plus sombres de la vie, je pense qu’il est bon d’ouvrir, lorsqu’on le peut, un espace dans notre esprit pour se rappeler de ces moments délicieux

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Le bonheur, voilà le grand mot des civilisations d’abondance, les autres en sont aux besoins élémentaires, n’est-ce pas? Chacun trouve son espace intime sans avoir besoin des grandes recettes. Le livre dont je viens de parler m’irrite par cette façon de surfer sur la vague en voulant donner l’impression de la critiquer.
      Merci pour les titres de livres, je jetterai un oeil en librairie. même si l’auteur me semble un professionnel du bonheur.

  2. alainx

    Il n’y a que dans les pays — comme le notre par exemple — repus de richesses qui débordent de partout, que l’on évoque la tyrannie du bonheur…
    pour la plupart des gens, tenter de sortir du malheur est déjà une aventure très périlleuse…
    qui rate la plupart du temps.
    Il faut suivre la proposition de Coluche :… essayez le gaz !…

    1. Nicole Giroud Auteur de l’article

      Je suis bien d’accord avec toi! Cela va avec l’excès: acheter cher des produits de régime quand ailleurs on est heureux d’un bol de riz.

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