Hugo Horiot, comédien, a écrit un livre coup de poing pour décrire son autisme de l’intérieur, L’Empereur, c’est moi aux éditions l’Iconoclaste en 2013. En 2016 il récidive, toujours aux éditions l’Iconoclaste avec Carnet d’un imposteur.
Approfondissement après le cri de colère et de douleur ? Manière de surfer sur la vague après un premier succès ? Aucune importance. Le style est là, c’est ce qui compte, c’est ce qui signe l’écrivain, et Hugo Horiot semble en être un :
Ma mère m’a toujours dit d’écrire. J’ai suivi son conseil. Elle m’a libéré de mes prisons. J’écris et j’écrirai encore. (p.27)
Nous verrons. C’est toujours difficile de revenir sur les mêmes éléments de sa vie, cela tourne à la redite en général, mais qu’en est-il lorsque cet élément est votre vie même ? Qu’en est-il lorsqu’une différence à la naissance forme une paroi entre vous et les autres ?
Je mets « vous » en avant, parce que c’est bien ce qui transparaît dans ce livre, la présence obsédante de qui veut trouver une place dans la société alors que les codes lui manquent, ces codes qu’il faut intellectualiser puisque rien d’instinctif n’est possible.
Le masque
Il ne communique pas, disait-on de Julien.
Pas de communication, pas de lien dans ce monde. Pourtant, les paroles souvent dérapent et trahissent. Les mots sont les ennemis. On les interprète, on les analyse et on les déforme. Malentendus, dialogues de sourds. Mensonges et trahisons. Au diable la communication !
Pour me protéger du monde et prendre part à la comédie sociale, j’ai mis en route une machine de guerre. C’est moi qui organise le chaos. Partout où je vais, je joue de tactique et de manipulation. Je crée des élans et dirige des manœuvres de plus ou moins grande envergure. Toute mon adaptation sociale repose sur la distance. Regarder les êtres et les choses avec la plus grande distance possible me permet de tirer une meilleure analyse de la situation et d’agir en conséquence. J’avance masqué. Je semble rassurant et sympathique. Je suis rassurant et sympathique. Bonhomie, chaleur et trivialité. Et surtout légèreté. (p.41)
Individu fragile, ultra-sensible, extrêmement intelligent, cherche place auprès des autres, cherche à baisser la garde. Mais comment faire quand on ne peut briser la paroi qui vous sépare des autres, de tous les autres, même si on les aime, s’ils sont notre chair et notre sang ?
L’aiglon
Colère de ne pas trouver les mots justes pour apaiser tes cris, colère d’être maladroit pour faire passer tes angoisses. Colère d’être incapable. Aveu d’impuissance. Pour le moment, je suis davantage observateur qu’acteur : distant et lointain. Ton existence est de loin l’événement qui me laisse le plus en proie au doute. Je doute de ma place, de mes actes, de mes choix. Toute certitude acquise hier ne vaut plus rien aujourd’hui.
Dans le numéro de Sciences et Avenir de décembre 2016, la pédopsychiatre et neuroscientifique Catherine Barthélémy spécialiste de l’autisme écrit ceci :
J’ai contribué avec mon équipe, à faire la preuve que l’autisme est un trouble lié à l’anomalie très précoce du neurodéveloppement du cerveau. Un réglage particulier des décodeurs cérébraux des informations sociales altère les capacités du bébé à établir une relation avec d’autres humains. Cela n‘a rien à voir avec une quelconque défaillance maternelle. […]
L’autisme est une difficulté à communiquer avec les autres, à être dans une interaction réciproque, à s’adapter au changement.
Elle explique dans cet article qu’il n’y a pas qu’un autisme clairement identifié mais un spectre de l’autisme, et que les troubles – multiples – évoluent tout au long de la vie. Elle insiste sur l’importance de l’interaction entre soignants, parents et éducateurs :
Quand les enfants sont placés en conditions favorables et confortables, où l’on évite de les mettre en échec, ils font des progrès. Avec des techniques de l’imagerie cérébrale, nous observons une correspondance entre ces avancées et le fonctionnement du cerveau.
De quoi donner de l’espoir à tous les Julien-Hugo qui soufrent et à leurs parents, en particulier leur mère, si longtemps maltraitée par l’institution médicale. La paroi de verre ne disparaîtra sans doute pas, mais elle s’amincira, se fissurera par endroits pour laisser passer l’air frais de la vie.
Très belle « critique » de ce livre. Merci de l’avoir partagée avec tous.
J’ai très peu de temps devant moi. Je vais donc me contenter de vous renvoyer sur celle, très personnelle, que j’en ai publiée sur Babelio (http://www.babelio.com/livres/Horiot-Carnet-dun-imposteur/862491/critiques/1154840) un jour où j’étais un peu moins débordée.
Toujours est-il, que je garde sous le coude votre blog, afin de pouvoir le parcourir à l’occasion.
Bonne journée
Carole, je viens de lire votre texte sur Babelio. Très personnel, en effet. Bien loin de ma critique, c’est sûr, mais vous plongez votre lecteur dans votre lecture comme une mise en abîme. Très astucieux!