L’art de la guerre m’avait surprise, ravie par l’originalité de son propos et son style, autant dire que j’attendais beaucoup du deuxième livre d’Alexis Jenni. Hélas, trois fois hélas, ces élucidations sous-titrées 50 anecdotes n’auraient jamais dû sortir des tiroirs de l’auteur.
Des souvenirs d’enfance revisités à l’âge adulte, cela aurait pu aboutir à une œuvre pour le XXIème siècle, je ne sais pas, quelque chose entre Proust et Annie Ernaux.
Hélas ! Ces souvenirs d’une banalité et d’une platitude assumées sont aggravés, boursouflés par une écriture pleines de répétitions obsessionnelles et de tournures qui se veulent précieuses. Un exemple parmi tant d’autres :
« La lumière fatiguée reposait, elle brillait doucement, un peu d’or apparaissait au sommet des bois. Après deux mois de chaleur l’air devenu épais sentait bon, caressait la peau avec la suavité d’une confiture de fruits jaunes » .
Cela continue sur trois pages, avec « ce bébé qui est moi » repris à plus soif. Consternation. Nous n’en sommes qu’à la page 26.
J’ai lu les 208 pages de ce livre parce que je suis têtue, parce que je me disais non, ce n’est pas possible, à un moment où un autre il va abandonner ses absurdes coquetteries, ses platitudes présentées comme des trouvailles, recouvrer les fulgurances qui m’avaient enchantée.
Hélas ! Un seul moment de sincérité et d’émotion à l’évocation de l’ami disparu :
« Comme un membre fantôme il continue de bouger.
Il manque.
Il disparut, mais je sens sa présence ; c’est comme cela, mourir : disparaître, mais rester »
On n’échappe pas à la platitude mais au moins un instant à l’autosatisfaction naïve.
Recevoir le Goncourt, accéder à la célébrité après avoir écrit pendant des années sans accéder à une quelconque reconnaissance peut être comme le Loto, une malédiction. Gageons qu’Alexis Jenni va survivre à ce faux pas. Je l’espère, je l’attends.
On peut imaginer que l’éditeur, ayant gagné beaucoup d’argent avec Alexis Jenni, n’a pas hésité à publier ce qu’il savait ne pas rester dans les mémoires. N’y a-t-il plus de devoir moral de conseil et d’honnêteté dans l’édition?
Parfois, il y a intérêt à n’écrire qu’un seul livre dans une vie, le reste serait-il la nostalgie d’un premier succès dont on essaie de renouer les fils …
Je me cite : « Un premier livre est toujours un étonnement, c’est aussi celui dans lequel l’auteur met le plus de lui-même, le premier voile ôté lors d’un premier strip-tease, le premier émoi de la découverte ».
Ceci dit, il y a des écrivains qui ont l’écriture dans le sang, pourquoi se priveraient-ils de la partager.
Mais là où le business rattrape le talent … si ça a marché une première fois, les éditeurs en redemandent … Je ne lirai pas ce livre, mais vous me donnez envie de lire le premier !
Merci Saravati, lisez le premier ( et ma critique !!!), vous ne serez pas déçue.
Je suis d’accord avec vous, un premier livre est toujours un étonnement, une source de curiosité et d’attendrissement, parfois. Beaucoup de gens ont l’écriture dans le sang, j’espère que c’est le cas pour Alexis Jenni, plus même, j’en suis persuadée. Mais là, il s’est fourvoyé, se perdant dans des effets de style appuyés et injustifiés. Le suivant sera meilleur, s’il réfléchit à ce que son premier livre possédait d’unique.
Bon, si ce brave Alexis ne s’en sort pas, il est au moins habillé jusqu’à la fin de l’hiver.
🙂
Bien amicalement.
Roger
J’espère que le costume est bien taillé…
Il ne faut pas me décevoir lorsque j’ai faim, j’ai la dent dure.
Comme quoi on peut s’appeler Alexis Jenni et ne pas en être un…
Ta citation suffit à s’en détourner.
Gallimard publie de plus en plus n’importe quoi…
Le jeu de mots s’imposait!
J’aurais pu multiplier les citations si j’étais cruelle. C’est dommage, vraiment.