Les âmes soeurs de Valérie Zenatti, journée buissonnière

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ZenattiSuite à la belle critique de MicMélo Littéraire sur Mensonge de Valérie Zenatti j’ai cherché cet auteur mais n’ai pas trouvé le livre autobiographique de la traductrice d’Aharon Appelfed ; voici donc Les âmes sœurs qui date de 2010.

Nous avons affaire au principe du roman dans le roman : Emmanuelle prend une journée de congé buissonnier pour lire le livre confession d’une femme photographe et reporter de guerre. Les deux vies s’emmêlent : celle de la narratrice du roman que lit Emmanuelle, au « je » qui introduit une proximité troublante avec celle-ci, en retrait, spectatrice de sa propre vie, un peu décalée. D’un côté la transcription d’une histoire d’amour passionnelle et douloureuse sur fond de guerre, de l’autre le quotidien d’Emmanuelle, trois enfants en bas âge, mariée avec Elias.

Emmanuelle frissonna, ferma le livre et le serra contre elle. Son regard glissa sur les objets qui l’entouraient, la table basse du salon, les baskets de Gary, l’une sous la table, l’autre près de la télé. (Pourquoi là ? Pourquoi avait-il ôté ses chaussures là ? Pourquoi – question obsédante, appelant désespérément une réponse – les journaux, le courrier, les écouteurs des baladeurs, les peluches, les vêtements, les jouets, les pièces de monnaie, les gants, les CD, les DVD n’avaient-ils pas de place naturelle ? Et s’ils en avaient une pourquoi ne la gardaient-ils pas ?) (…) elle avait songé à toutes ces minutes et ces heures consacrées à des tâches sans intérêt et elle avait visualisé des monceaux de détritus, d’instants moches et rouillés. La décharge publique d’une vie.

Valérie Zenatti possède un art sidérant de radiographier le quotidien des mères de famille.

Ce livre relate la gestion d’une crise, un de ces moments où le ras-le-bol du quotidien vous saisit et où l’urgence d’un bol d’air évitera une explosion que les proches ne comprendraient pas.

Une journée, le temps d’entrer en résonance avec une autre vie que la sienne, deuil contre deuil (Emmanuelle vient de perdre son amie Héloïse), amour perdu contre amour perdu (celui qui aurait été possible si Emmanuelle avait obéi à son impulsion autrefois), voyage contre voyage. Les deuils plus anciens affleurent comme la mère décédée brutalement d’Emmanuelle ou celle, absente, d’Héloïse, et les vies possibles évanouies.

Des âmes sœurs. Dans la perte et l’errance, le temps d’une journée volée au quotidien.

Après quoi Emmanuelle reprend sa vie et se rend à l’école de son fils où il y a une cérémonie en l’honneur « des sept enfants de l’école déportés parce que nés juifs ».

Une autre piste explication de ces âmes sœurs, le poids de la judéité.

J’ai aimé ce petit roman sensible, cette écriture à vif où tant de femmes peuvent se reconnaître. Avec une réserve cependant : ce qui commence avec force s’affadit un peu au fil de la journée, tenir la distance au fil de la narration conduit à l’essoufflement et la fin rose bonbon, (j’aime ma petite famille et je reviens juste à temps pour les obligations familiales), même si elle est attendue, déçoit un peu.

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