Lorette, de Laurence Nobécourt

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nobecourt-c« Pour la première fois, en 2013, m’a été révélé le sens de mon prénom d’origine : Laurence ; qui signifie “ l’or en soi ” dans la langue des oiseaux. Prénom dont je décide de signer mes livres à venir. Je ne savais pas alors à quel point nous sommes constitués des lettres qui nous désignent. Ni quels jardins d’ombre recouvrent les pseudonymes avec lesquels nous avançons dans le monde. A quoi m’aura servi ce prénom de Lorette que j’ai porté tant d’années, jusque sur la couverture de mes livres, sans pourtant qu’il fût mien ?

Maintenant, je m’appelle Laurence. C’est mon prénom d’origine. J’ai réussi à ne pas l’égarer. J’ai tout perdu, mais j’ai retrouvé mon nom. »

Voici la quatrième de couverture de Lorette, le dernier livre de Laurence Nobécourt publié chez Grasset. Il m’a été offert par une de mes amies, séduite par cette entrée en matière. Elle a acheté ce livre, peut-être séduite par le visage ascétique de l’auteur sur le bandeau, peut-être happée par la force des mots apposée sur une réalité minime.

Récupérer son prénom (Laurence), et effacer l’emprunt (Lorette) est rare. Habituellement, après des années d’irritation devant le mauvais choix des parents, on prend un des « viennent ensuite » de l’état-civil ou on se choisit le prénom avec lequel on est accordé. Ce retour, après tant d’années et de souffrances, c’est comme une seconde naissance.

Je crois que nous ne changeons jamais de nom. Nous faisons seulement advenir celui qui est en nous depuis le commencement. Nos noms sont des équations mathématiques en cours de résolution. Ainsi, Laurence est rendue à sa banalité originelle qui en fait son exception

Personnellement, cela me laisse froide. Jamais je n’aurais acheté ce livre, à cause précisément de la quatrième de couverture. Les descriptions de l’enfer familial bourgeois me semblent un peu rebattues, la famille qui tient debout avec les apparences, on a déjà lu cela des milliers de fois.

Reste cette écriture d’une densité sidérante, aiguë, obscure, irritante. Un concentré de violence et de cruauté, comme cette lettre à la mère qui fait le pendant à la lettre au père de Kafka. Un texte étrange, naviguant entre folie et poésie, douleur et ascèse. À réserver aux esprits aventureux près à s’embarquer pour un voyage sans boussole dans un paysage d’orage : beauté et inquiétudes garanties.

Revenir en arrière de soi pour voir. Se souvenir de la vérité du souffle premier, et par le poumon du verbe, articules ce qui, justement, ne saurait s’oublier.

C’est l’aventure de l’écriture. C’est une apocalypse de l’être dans son sens étymologique de « mise à nu ». Aller au bout de soi-même, c’est se mettre à nu, c’est advenir au point de disparaître.

Toutes nos vies ne sont que cela: une entreprise de disparition. Ecrire, c’est exister dans la disparition.

Lorette
Laurence Nobécourt
Grasset, avril 2016, 212 p., 13 €
ISBN : 9782246790495

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3 réflexions sur « Lorette, de Laurence Nobécourt »

  1. alainx

    Ton billet a le mérite de me faire dire : bon, ça c’est vraiment pas un livre pour moi !
    Je vais avoir le sentiment d’un retour à l’une de mes vies professionnelles…
    qui plus est, les citations me semblent d’une intellectualisation à faire frémir.
    Et j’aime bien dormir tranquillement à l’approche de l’automne…

    Et toi ? Tu vas bien au moins ?

  2. Edmée De Xhavée

    Je t’avoue que moi aussi je suis un peu fascinée par l’expression de l’auteur sur cette photo, mais pas attirée: il y a quelque chose de sombre… et sans doute dans le livre aussi 🙂

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