Un blog littéraire, la plupart du temps, c’est le lancer de petits cailloux dans un puits sans fond, mais vraiment sans fond : aucun écho. Le grand silence des grappilleurs inconnus. Mais, parfois, cela frémit dans l’onde noire et la solitude du blogueur de fond se rompt de belle façon.
Eric, lecteur attentif et auteur d’un superbe blog photographique dont j’ai déjà parlé sur Facebook, m’envoie des messages pour me signaler certains ouvrages ou vidéos qui peuvent enrichir le sujet que je viens de traiter. Cette fois, il s’agit d’un commentaire sur mon article parlant du travail d’Ernest Pignon-Ernest. Cela lui a fait penser à ce que j’avais écrit sur la maison de Commercy et le travail de Raymond Depardon. Il me signale la vidéo sur Raymond Depardon dans Envoyé Spécial du 13 octobre 2016 sur France 2, rubrique Chambre noire.
Merci Eric de m’avoir permis de partager ce moment rare où Raymond Depardon se livre avec pudeur. Il parle de la photo d’un berger des Cévennes, Marcel Privat. Photo exceptionnelle, tableau à lui-tout seul d’une certaine paysannerie en train de disparaître.
Le visage tanné par le soleil du vieil homme, sa peau, ses vêtements d’un bleu « à la mode », délavés par le soleil, harmonie entre la chemise et la casquette, et les mains. L’importance des mains. Il y a ce bout de film, la gestion des silences du vieil homme, les maladresses de paroles du photographe qui ne sait comment trouver la bonne hauteur de ton face à ce vieil homme somnolent et un peu sourd. Parler comme un vêtement, un accompagnement pour éviter d’être un prédateur. L’horloge. « C’est un autre temps », dit Raymond d’une voix sourde. Musique de Gabriel Fauré. Glissement à la photo de son père.
Même environnement que chez le berger des Cévennes, un monde qui meurt, et la culpabilité du fils. Le grand photographe traître à l’agriculture, renégat d’un monde qu’il a fui. Raymond Depardon n’était pas là au moment de la mort de son père, il était en Afrique, actualité, bruissement du monde. Loin de l’horloge. Du silence. Et le père seul au moment de mourir. Culpabilité indépassable du transfuge.
Merci Eric, de m’avoir permis la découverte de ce moment de pudeur, de tendresse et de douleur.
Les petits cailloux remontent parfois à la surface, et l’eau devient lac, avec plein de ricochets bouleversés.
Merci Nicole d’avoir posé votre regard littéraire sur cette photo de Raymond Depardon et commenté la vidéo
Vos chaleureux remerciements me touchent profondément
Eric
C’est ça qui confirme que l’on a un blog « pour quelque chose »… On touche qui on doit toucher, un sujet ici, un article par là. Parfois longtemps après la parution. Et des choses « se mettent en place »…
Très juste, Edmée! Il faut parfois longtemps pour qu’une réaction en suscite une autre, et ainsi de suite. Contrairement à toi, j’ai beaucoup de peine à parler de sujets personnels qui en définitive concernent tout le monde, et les commentaires se font rares, évidemment. Cela induit une forme de solitude, mais je ne saurais faire autrement.