Voici revenu le temps des lumières d’enfance, illuminations et marrons chauds, Pères Noël et promotions commerciales à gogo. Voilà revenu le temps de l’excès, des enfants gâtés, des enfants déçus, des enfants blasés. Adultes sur-occupés, angoissés, au bord du vide existentiel ; le temps des barbares n’en finit pas, quoi, aucune trêve ? Comment oublier la morosité, la pollution, les grèves, la guerre en Irak et ailleurs, les attentats ?  La fête chrétienne qui a supplanté l’antique fête païenne ne suffit pas à masquer le vide, une fois passées l’excitation et l’espérance.

Besoin de vous étourdir un peu plus ? Je vous emmène en Amérique du Sud, à Buenos Aires, capitale de l’Argentine, visiter le parc d’attraction Terra Santa, Terre Sainte, pas la peine de traduire… Ce parc d’attraction est destiné à la famille chrétienne.

Attraction, du latin attractio, tirer… Tirer vers soi, séduire… Définition du Petit Larousse illustré : Distraction mise à disposition du public dans certains lieux ou à l’occasion de manifestations, de réjouissances collectives. Parc d’attractions.

La vidéo est proprement sidérante : tous les personnages illustrant la vie du Christ sont à taille réelle et se mêlent aux comédiens, danseuses ou animaux articulés pour immerger les visiteurs dans un mélange de confusion et de rêve. Tout est toc, brut, mais ça marche ! Dans la foule des visiteurs, un homme âgé baise la main d’une Vierge en plastique grandeur nature, un enfant glisse sa tête dans le casque d’un centurion pour la photo, des danseuses orientales dénudées agitent leurs voiles devant le temple.

Plus directement dans le propos du parc, l’interprétation de la création du monde, avec animaux sommairement animés et barrissements d’éléphants. C’est Noël, voici la grotte de la nativité (Douce nuit, Sainte nuit, bien sûr), voici la Sainte Cène, gros succès photographique, avant de se rendre dans l’un des cinq restaurants présents sur le site. Les visiteurs ont déjà acheté la boule de neige avec la Vierge Marie à l’intérieur, voile bleu de Marie et neige blanche, c’est très joli, on mettra sur la table de nuit ou sur la télé du salon.

Un Christ de douze mètres de haut apparaît toutes les heures, coucou c’est moi, j’étais caché derrière un gros rocher ! C’est la pièce de résistance nous dit la commentatrice en anglais, le moment le plus important pour les chrétiens du monde entier, la Résurrection avec ce gigantesque Christ en croix qui surgit au son de l’Alleluia de Haendel…

Tout ce qui figure dans le catéchisme de notre enfance se trouve à Terra Santa. De la création du monde à l’histoire de Jésus, la reconstitution de pacotille d’un Orient biblique, statues grossières et grosses ficelles, est censé projeter les visiteurs deux mille ans plus tôt. Est-ce qu’un tel parc pourrait exister sous nos contrées ? J’en doute. Nous sommes devenus exigeants et je ne crois pas que la Sainte Cène, la Passion du Christ ou sa crucifixion (non montrée dans la vidéo, mais à heures fixes, comme le reste), attireraient les foules.

Changeons d’échelle et rendons-nous aux Etats-Unis, au Kentucky, où s’est ouvert à Williamstown le parc à thème créationniste «Ark Encounter» le 7 juillet 2016.

On y trouve une reproduction fidèle aux dimensions de la Bible de l’Arche de Noé. Celle-ci a fait couler beaucoup d’encre, car bien des habitants de la région refusaient le symbole d’un créationnisme arrogant et militant. Il faut préciser que l’état du Kentucky avait accordé des subventions importantes pour la construction du parc en espérant des retombées économiques. Mais, quand les créationnistes ont annoncé qu’ils n’emploieraient que des personnes convaincues par leurs thèses et excluraient les homosexuels, l’état a retiré ses subventions… avant d’être condamné par la Cour fédérale. Ambiance…

Le 7 juillet est un symbole fort, le 7/7 correspond au vers 7.7 de la Genèse racontant l’entrée de Noé et sa famille dans l’Arche.

Celle-ci a coûté 86 millions de dollars et a été construite par des menuisiers Amishs, du beau, du solide, de l’impressionnant : 136 mètres de long, 23 mètres de large, 13 mètres de haut. Il fallait bien tout ça pour protéger les espèces choisies par Dieu du déluge.

Est-ce que l’idée a déplu à Dieu ? Trois mois après son inauguration le parc a été victime d’inondations.