L’idée lumineuse du Maréchal Pétain en 1941 pour faire oublier la situation du pays, avec trémolos dans la voix et film d’époque bourré d’émotion pour « celle qui nous a tout donné » a été habilement recyclée depuis soixante-dix ans.
Le pétainisme lui, est passé à la trappe.
Quoique.
Ceci est une autre histoire, je ne veux pas recevoir de menaces de mort…
Fête des mères, le dernier dimanche de mai.
Il est censé faire beau, les petits pourront cueillir des fleurs dans les prés pas encore fauchés par les paysans s’il reste encore des champs, si leur père ne leur a pas donné de l’argent pour le cadeau, s’il ne s’est pas tiré, s’il n’est pas un numéro d’éprouvette.
Les petits sortiront leur collier de nouilles, la maîtresse n’avait pas d’inspiration, cette fête des mères, encore, déjà, elle ne l’avait pas vue venir, la classe verte (ou blanche) vient juste de finir, les vacances de printemps aussi, elle prépare la fête de fin d’année, elle a oublié la fête des mères et les bricolages obligatoires avec les pâtes ou les boîtes de camembert.
Les mamans souriront d’un air attendri, encore un collier de nouilles, comme il est beau mon chéri !
Les petits seront fiers de leur œuvre ou en pleurs, les copains ont dit qu’il était moche, ou bien lucides, c’est des nouilles, fais attention à ton pull, ça déteint.
Les mères se sentent précieuses, elles font un bon repas, encore du travail en plus, et puis les enfants grandissent, prennent la place devant les casseroles si elles ont de la chance, et puis s’en vont faire leurs études ailleurs.
Les enfants s’en vont.
Ils fêtent toujours leur maman, « celle qui leur a tout donné ». Ils peuvent oublier la date de son anniversaire mais jamais celle de la fête des mères. Braves petits ?
La publicité les coince à tous les tournants. Dans la rue, à la télé (un peu moins s’ils regardent les chaînes publiques), les journaux, la radio et internet. De plus en plus internet. Le nouvel eldorado de la consommation. On vous envoie les fleurs à votre place si votre compagne ne supporte pas votre maman, on vous fait un beau message plein d’amour à votre place, on vous choisit votre cadeau.
Internet est une vraie mère pour la vôtre.
Pétain, celui qui s’est sacrifié pour la France (c’est lui qui le disait…) ne pensait sans doute pas connaître une gloire posthume pareille grâce à l’idée de la fête des mères.
On a condamné le vieux Maréchal à mort, on l’a caché dans une prison, il était si vieux, mais on a gardé la fête des mères. C’est une si belle idée. Si belle que beaucoup de pays nous l’ont piquée mais à des dates différentes, pour ne pas avoir à payer de droits d’auteur, sans doute.
Et pendant qu’on y était, consommation oblige, on a enchaîné avec la fête des pères, la fête des grand-mères, la fête des secrétaires, etc. Jusqu’à l’indigestion.
Le concept semble usé jusqu’à la trame mais il perdure, car au fond, Pétain avait raison : il faut fêter les mamans, c’est rassembleur et cela rapporte beaucoup. Cela permet une réunion de famille supplémentaire, en temps de crise cela permet de se serrer les coudes, une occasion de faire la fête, de constater qu’on a changé, que maman a vieilli.
Quant au cadeau, il y a toujours d’indémodable bouquet de fleur ou la potée fleurie.
Bonne fête à toutes les mamans !
PS : Lorsqu’il était petit, mon fils disait : Ma maman elle aime pas cette fête pétainiste. Cela jetait un froid ; il a vite appris la prudence. Maintenant qu’il est adulte, de temps à autre, tenté par le conformisme ambiant, il fait une tentative. Aujourd’hui, je l’attends de pied ferme.