C’était la fin d’une journée épuisante au Chelsea Flower Show de Londres, le moment où, gavé des prouesses architecturales des plus grands créateurs de jardins de Grande-Bretagne, épuisé par les excès de fleurs, d’originalité et de poésie savamment orchestrés, anéanti par le brouhaha et les mouvements de foule, le visiteur n’aspirait qu’au vide et au silence.
Le reflux s’amorçait, les émerveillements avaient fait place à la lassitude et la rumeur s’amenuisait, remplacée par des pas traînants à la recherche de la sortie de la manifestation. Qui prenait le temps de regarder les dernières installations ?
Ce fut alors que je le vis, ce pavillon néo-grec bordé de chaque côté par un muret de pierre sèches, un mélange bizarre de cottage et de folie de jardin, submergé par les fleurs, bien sûr… Mais il y avait quelque chose d’incongru et d’une violence terrible : des enfants grandeur nature voulaient franchir l’espace séparé par des murets, des statues de bois si réalistes, si tragiques dans cet environnement fleuri et un peu mièvre que je n’ai pas pu avancer plus loin. Une fille avait réussi à traverser le mur droit avec son torse et tendait la main vers celle qui voulait la saisir.
C’était pour moi la métaphore violente des migrants qui essaient de traverser à la nage l’océan de notre indifférence et de notre méfiance. Ils oscillaient entre la noyade et l’espoir, tendant la main à travers le mur à la recherche de la main, du côté de la sécurité. Pour moi, l’espace sablé entre les deux murs représentait la mer. Continuer la lecture