Voici novembre et son lot de prix littéraires. Inutile de commenter la grosse machinerie parisienne ; je vous ai annoncé ce prix du Sud-Ouest, création bien sympathique à laquelle je souhaite beaucoup de réussite. Je voudrais vous parler d’un prix qui me touche plus, parce qu’il est de ma région et qu’il est transfrontalier : le prix Lettres Frontière. Il récompense, suite à une sélection progressive et à l’investissement des lecteurs d’un côté comme de l’autre de la frontière franco-suisse, un auteur romand et un auteur français.
Cette année, quinze ans après La Servante abyssine, le jury a récompensé le même auteur pour Mille ans après la guerre. La langue de Carine Fernandez est si puissante, si visuellement évocatrice et en même temps si pure qu’elle emporte les lecteurs. Je crois l’avoir déjà dit mais je ne crains pas de me répéter : le temps est venu de la consécration de ce très grand écrivain. Celle-ci n’a que trop tardé. Les lecteurs de bibliothèques, que ce soit du côté suisse ou du côté français, ne s’y sont pas trompés : on leur a proposé deux fois un livre de Carine Fernandez, et deux fois il l’ont élu meilleur livre de la sélection.
Si vous n’avez pas encore lu un livre de cet auteur, précipitez-vous : ce sera une ouverture au monde et à ses blessures, à la lumière et à l’espoir. Et l’écriture, l’écriture ! Ce ton si particulier et en même temps universel, cette langue qui semble couler de source, sans afféterie ni effets appuyés et cette narration où tous les éléments s’emboîtent si bien qu’on ne voit pas la jointure… Superbe, vraiment. Et rien de fabriqué : du sincère, du naturel, du généreux. D’une vie compliquée l’auteur a su tirer une grande lumière, loin de ces écrivains qui grattent leurs plaies fonds de commerce. Carine Fernandez est l’exemple même de l’élévation par l’écriture, c’est à la fois réjouissant, réconfortant et apaisant.