Le théorème du homard, ou comment trouver la femme idéale quand on est autiste

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Il y a quelques mois je vous avais parlé d’un livre anglais, The Rosie project dans lequel nombre de lecteurs londoniens étaient plongés.

Depuis j’ai lu le livre de l’Australien Graeme Simsion en français, et si le titre n’a rien à voir avec le titre anglais, il se défend fort bien dans le contexte : Le Théorème du homard ou comment trouver la femme idéale.

HommardDon Tillman, professeur de génétique et brillant universitaire aimerait partager sa vie avec une épouse, mais il a de la peine à nouer des relations. Le professeur est atteint du syndrome d’Asperger. Syndrome mal nommé, entre parenthèses, car Asperger était un sale type qui a participé dès 1938 à des expériences sur des enfants, n’hésitant pas à envoyer à la mort les enfants qui ne correspondaient pas à ce qu’il cherchait. Les « Asperger » étant valorisés dans notre société, on pourrait leur donner un autre nom que celui de ce nazi qui n’a sauvé aucune petite fille de la mort, ce qui est significatif. Fin de la parenthèse !

Don décide de faire un questionnaire détaillé pour trouver une épouse et reçoit un certain nombre de réponses, mais cela ne se passe jamais comme il le voudrait :

J’avais pris la ferme résolution de ne plus jamais assister à des soirées de célibataires, mais le questionnaire devait me permettre d’éviter le supplice des interactions sociales non structurées avec des personnes étrangères.

Au fur et à mesure de l’arrivée des invitées, je leur distribuais des questionnaires à remplir au moment qui leur conviendrait le mieux et à me retourner le soir-même ou par courrier. […] Au bout de deux heures, une femme d’environ trente-cinq ans, IMC estimé à vingt-et-un, est sortie du salon avec deux coupes de mousseux dans une main, un questionnaire dans l’autre. Elle m’a tendu un verre.

— J’ai pensé que vous deviez avoir soif, a-t-elle dit avec un séduisant accent français.

Je n’avais pas soif, mais j’étais content qu’elle me propose de l’alcool. […]

— Ce vin est vraiment épouvantable, vous ne trouvez pas ? […] Et si nous allions dans un bar à vins voir s’ils n’ont pas quelque chose de meilleur ? A-t-elle demandé.

J’ai secoué la tête. La médiocrité du vin était gênante, mais pas déterminante. Fabienne a pris une profonde inspiration.

— Écoutez. J’ai bu deux verres de vin, ça fait six semaines que je n’ai pas couché avec un homme et je préférerais attendre encore six semaines plutôt que d’essayer avec qui que ce soit d’autre parmi ceux qui sont ici. Puis-je vous inviter à prendre un verre, maintenant ?

C’était une proposition très aimable. d’un autre côté, la soirée venait de commencer.

— Tout le monde n’est pas encore arrivé, ai-je dit. Si vous attendez un peu, vous trouverez peut-être quelqu’un d’adéquat.

Fabienne m’a remis son questionnaire :

— Je suppose que vous préviendrez les gagnantes en temps voulu.

Je lui ai répondu que oui. Après son départ, j’ai rapidement parcouru ses réponses. Comme j’aurais pu le prévoir, elle avait échoué sur un certain nombre de points. C’était décevant.

Cela fait rire, bien sûr. Mais cela émeut. Nombre de situations semblent vues de l’intérieur, et décrypter les interactions sociales et humaines lorsqu’on n’a pas les codes est difficile. Don ne sait pas mentir et tous les rouages que nous utilisons pour rendre la vie en société agréable ou du moins plus facile lui sont inconnus. C’est l’énorme hiatus de qui possède des capacités intellectuelles hors normes et ne sait pas engager ni comprendre ce qui se passe dans une simple conversation.

Ce roman drôle et émouvant abandonne très vite l’aspect témoignage lorsque apparaît l’héroïne, Rosie, qui ne correspond en rien au questionnaire de Don. Elle fume, boit, a une vie totalement déréglée alors que Don est paniqué par la plus petite entorse à son emploi du temps. Rosie a un projet : découvrir qui est vraiment son géniteur, et Don va l’aider dans cette quête souvent drôlatique qui va bousculer notre héros. Le roman va bien se terminer, et le lecteur se dit que Don a largement mérité ce happy end.

Si vous ne l’avez lu lors de sa parution, je vous conseille cet excellent livre de vacances ou de transport aérien. Il vous émouvra, vous fera bien rire à cause de toutes les situations cocasses dans lesquelles se met Don, et peut-être même qu’il vous fera réfléchir à la différence si vous n’avez déjà lu certains témoignages d’autistes comme Hugo Horiot.

Le théorème du homard ou Comment trouver la femme idéale
Graeme Simsion
traduit de l’anglais (Australie) par Odile Demange
Nil, mars 2014, 408 p., 20 €
ISBN : 9782841117208

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