Oui, d’accord, je donne dans la facilité avec ce titre plein de sous-entendus littéraires ou douloureux, selon la sensibilité du lecteur. La vérité est ailleurs, comme aurait dit Mulder : sidération du confinement, puis redécouverte du plaisir de se laisser aller aux jours qui passent, le tout suivi du travail à rebondissement autour de mon prochain roman à paraître en octobre. Le confinement a atteint tout le monde, compliqué le travail, brouillé les agendas.
Bref, j’étais occupée. Mais pas que. J’avais l’esprit embrouillé dans un dilemme dont je vais vous faire part. Si, si, il n’y a pas de raison que vous soyez toujours consommateurs, vous allez m’aider.
Vous avez remarqué que je n’écrivais pratiquement plus de critiques de romans, depuis quelques mois ? La faute aux écrivains. Ceux que j’ai rencontrés et qui sont des gens charmants, des gens fragiles, aussi. Un livre, ce n’est pas un produit formaté (à part certains spécialistes, mais je ne lis pas leurs productions), on y met son âme, et, aussi célèbre que puisse être l’écrivain, les critiques l’atteignent en plein cœur. Ce n’est pas son livre qu’on n’aime pas. C’est lui, c’est sa personne, et c’est destructeur.
Alors la critique m’est devenue difficile, impossible de me concentrer seulement sur le texte puis d’écrire les réserves que j’ai par rapport à ce récit.
Impossible, je vous dis. Je n’ai pas l’âme assez noire ni le cuir arrogant des grands critiques littéraires qui éreintent un auteur avant de manger à la même table que ce dernier lors d’une soirée.
Est-ce la raison pour laquelle très peu de textes contemporains m’ont fait vibrer, ces derniers mois ? La peur de ne pas m’enthousiasmer ? L’habitude de détecter les faiblesses ?
J’ai résolu de ne lire que les auteurs défunts, histoire de ne pas les blesser, mais c’est assez expéditif comme solution. Il y a aussi les écrivains étrangers que je ne risque jamais de rencontrer, quoique, avec la mondialisation…
Si vous avez une solution, je suis preneuse. Autrement vous lirez un blog littéraire funéraire, le charme de l’éternité, mais cela pourrait manquer de vie.
Une auteure se doit de « réussir » les titres de ses billets !
Qui plus est l’annonce de la publication prochaine d’un nouvel ouvrage a de quoi réjouir. Je n’ai aucun regret de ceux que j’ai lus écrits par toi.
Avec un intérêt indéniable je lis ton positionnement au regard de la critique de romans. Il est exact que certains aiment faire de la mousse égocentrique en détruisant les ouvrages des autres, alors qu’ils ne sont pas capables eux-mêmes de publier quelque chose qui tienne la route. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, j’en suis venu à détester l’émission de radio « le masque et la plume ». Tous ces gens qui se regardent bavasser et démolir un auteur pour avoir des applaudissements ! Beurk !
Cependant, critiquer n’est pas forcément destructeur. Il y a une manière bienveillante d’émettre des réserves ou donner un avis contraire. On n’est pas obligé non plus de faire une tartine beurrée de trois couches de propos gluants, parce qu’on a détecté une faute de français ou une concordance de temps inappropriée.
Je connais personnellement peu d’auteurs, mais j’ai eu à plusieurs reprises des échos de ce petit monde qui s’étripe avec des couteaux bien aiguisés, remuant l’ustensile jusqu’à blesser l’autre et le faire souffrir volontairement. Il paraît que c’est de bon ton ! J’ai tendance à penser que ce sont plutôt des bons cons !
Connaître un peu le milieu littéraire donne envie de ne plus rien lire…
À propos des auteurs défunts : on pourrait penser, … qu’avec l’âge avançant … on en vient à relire les morts ! Or, une jeune blogueuse que je lis occasionnellement, ne s’intéresse qu’à cette littérature dite « classique » trouvant que les auteurs contemporains sont décevants et inintéressants avec leur nombrilisme permanent. « Rendez-nous Victor Hugo ! », pourrait-elle s’écrier. J’ai trouvé ça intéressant sur le plan civilisationnel.
À propos de la critique je n’ai pas de solution. Je pense toutefois que le lecteur peut saisir si la personne qui critique le fait avec un fond de bienveillance en tenant compte de l’investissement fort de l’auteur qui y met souvent « son âme ». Le critique peut alors probablement tourner sept fois la plume dans l’encrier avant de balancer des phrases assassines. Alors peut-être qu’il finira par s’y prendre autrement…
À défaut, il vaut mieux en effet qu’il s’abstienne et opte pour la culture des navets.
Cher Alain,
Merci pour ce long et riche message: je ne suis donc pas la seule à ne pas supporter les bavasseux prétentieux du Masque et la Plume!
Je ne critique pas pour critiquer, je dis ce que j’ai trouvé intéressant,bouleversant, etc, avec ma passion habituelle. Je n’ai démoli que fort peu de livres, et toujours parce qu’il y avait du « foutage de gueule » derrière. Voir mon article roboratif au sujet d’un livre d’Alberto Mangel décédé il y a peu.
Seulement je sais par expérience, qu’une critique est souvent mal prise par l’auteur, surtout quand son texte touche à l’intime.
Je vais essayer de retrouver enthousiasme et motivation.
Merci encore, cher Alain, pour ce texte profond, plein d’humour et d’humanité.