
Le château de Goldenstein à Elsbethen
Sœur Bernadette, Sœur Regina et Sœur Rita, respectivement âgées de 88, 86 et 81 ans, sont entrées au couvent juste après la Seconde Guerre mondiale, dans le château de Goldenstein, une austère bâtisse perchée à 2000 mètres d’altitude. Elles y ont mené une vie communautaire rythmée par les prières et l’enseignement également, car le monastère servait d’école de filles depuis le XIXe siècle.
Le temps a passé, les vocations se sont raréfiées, vint le moment où les trois religieuses se retrouvèrent seules dans le château ; leur hiérarchie les plaça d’autorité en maison de retraite en 2023. Sans leur demander leur avis. Pour quoi faire ? Elles avaient juré obéissance, et le diocèse voulait récupérer l’immense et beau château.
Voilà les octogénaires placées en maison de retraite près de Salzbourg. Mais elles supportent mal ce qu’elles considèrent comme une claustration – rien à voir avec la clôture qu’elles ont choisie dans leur jeunesse. La plus âgée, Sœur Bernadette, leur propose de s’évader. Elles prennent le temps de laisser mûrir leur projet. Les trois nonnes reçoivent des visites et sollicitent l’aide de leurs anciennes élèves. Ces dernières louent un véhicule, et le 11 septembre 2025 les trois octogénaires se font la belle et regagnent le couvent où elles ont passé presque toute leur vie et comptent bien y mourir. Pas si simple : pour rendre les lieux inhabitables, l’électricité a été coupée, les monte-escaliers enlevés, les douches inutilisables et les portes fermées à clé.
Un serrurier rouvre les portes, et en quelques jours, la solidarité s’organise pour venir en aide aux religieuses : on leur rétablit l’eau, l’électricité et un médecin se propose pour les soigner.
J’ai été obéissante toute ma vie, mais c’était trop, explique Sœur Bernadette aux télévisions qui se pressent pour voir les fugitives.
On peut avoir été cloîtrée toute sa vie et avoir compris le pouvoir des médias. Les trois religieuses se prêtent obligeamment aux demandes des réseaux sociaux et des télévisions de différents pays, on les voit marcher avec leur déambulateur dans le jardin, prier, préparer leur repas et manger sur une nappe immaculée.
L’Église autrichienne ordonne aux trois fugitives de revenir à la maison de retraite et leur rappelle qu’elles ont fait vœu d’obéissance.
Sœur Bernadette rappelle qu’elles ont signé un papier spécifiant qu’elles passeraient toute leur vie au couvent, jusqu’à leur mort.
L’Église autrichienne dénonce une mise en scène médiatique.
Tout le monde aime la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Que se passera-t-il maintenant ? Nul ne le sait. Trois vieilles dames fragiles contre la hiérarchie à laquelle elles ont obéi toute leur vie. Cette stupéfiante transgression me fait penser à l’héroïne de Par la fenêtre qui s’évadait de sa maison de retraite pour vivre son rêve. Lorsqu’on s’approche de la mort, on trouve parfois une liberté que l’on n’a jamais connue.