Il fait très chaud, une petite soif ? Vérifiez le contenu de la bouteille avant de boire au goulot.
Cette œuvre du jeune artiste d’origine belge Thomas Lerooy se trouve au Petit Palais à Paris.
De quoi vous refroidir à défaut de vous rafraîchir.
Au Japon la poésie et l’usage des métaphores font partie de la culture. En 2006 une chroniqueuse a utilisé une métaphore zoologique qui a fait fortune pour désigner les jeunes garçons qui montrent peu d’intérêt pour le sexe, les « Soshoku Danshi », les garçons herbivores, opposés aux « Nikushoku Danshi », les garçons carnivores, ceux qui aiment le sexe et la drague.
Herbivores, carnivores, choix de nourriture, choix de vie. Je me souviens qu’il y a quelques années, à Paris, un jeune Japonais avait mangé son amie, une Hollandaise un peu grassouillette. Il y avait eu procès, et le jeune homme dont le père était fort puissant (!) avait été déclaré irresponsable. Après un court séjour en hôpital psychiatrique il avait été rapatrié au Japon où il a animé une émission dans laquelle il expliquait que les meilleurs morceaux de la femme étaient les seins. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, si son émission a été maintenue longtemps et s’il a trouvé d’autres amies à cuisiner. Je m’égare, revenons à nos herbivores métaphoriques.
60% des jeunes Japonais se reconnaissent dans ce profil d’individu soucieux de son apparence et peu motivé par la carrière et le sexe, le terme même d’herbivore ne les choquent pas. Il s’agit d’un véritable phénomène de société, une façon de refuser le schéma japonais traditionnel, sans doute, mais cela ne fait pas l’affaire des femmes, ces anti-machos trop doux et trop mous, ont la nostalgie des hommes virils. Alors elles ont pris les choses en main, elles sont devenues des « Nikushoku Joshi », des femmes carnivores, prêtes à la chasse à l’homme.
Il y a pire cependant que les garçons herbivores, ce sont les « hommes-bouddhas », les cas désespérés, ceux qui ont renoncé au sexe. Autant les qualifier d’Éveillés, la consolation de la religion faisant passer l’affront auprès de ces dames.
Si vous désirez en savoir plus sur les garçons herbivores.
Ce livre d’un scénariste allemand restitue (avec justesse ?) la période précédent juste l’Anschluss en Autriche à travers l’éducation sentimentale d’un jeune paysan dans la Vienne populaire. 1937 : Franz Huchel, dix-sept ans, se rend à Vienne pour travailler dans un bureau de tabac, le Tabac Tresniek, nom du patron qui a perdu une jambe à la guerre.
Plutôt mince, mais les arguments ténus donnent parfois des livres remarquables. Une fois de plus je me suis fait avoir par la présentation de la quatrième de couverture.
Le livre, d’après celle-ci, a connu un grand succès dans les pays germanophones. J’avoue que je saisis mal pourquoi : parce qu’il se situe dans une période particulièrement sensible ? Parce que le garçon parle de ses problèmes sentimentaux à Sigmund Freud et lui offre des cigares en échange ? Parce que l’auteur est connu des médias ?
« Par la grâce d’une langue jubilatoire, d’une intrigue où la tension ne se relâche pas, et de personnages forts et attachants, voici un roman qui se lit d’un trait . » Etc, etc.
La personne qui a pondu la quatrième de couverture bénéficie de toute mon admiration.
Ninon Carrier, la jeune et talentueuse graphiste a préparé cinq projets de couverture pour le recueil de nouvelles. Nous nous étions vues deux fois pour qu’elle se pénètre bien de l’esprit des nouvelles, je lui avais parlé de ce qui me semblait important, Ninon avait pris des notes. Nous nous étions revues, mais cette fois mon mari technicien-correcteur-graphiste habituel était de la partie. Conversation technique entre les deux, je ne comprenais pas grand-chose, avouons-le. Les cinq projets que Ninon a réalisés possèdent tous une originalité, une présence, avec des effets graphiques dont je n’imaginais même pas l’existence. C’est le premier projet que nous avons retenu, mon mari et moi ; sans nous concerter : c’était celui-là et pas les autres. De son côté, c’était aussi le préféré de Ninon.
Cette couverture, c’est l’esprit-même des nouvelles, si bien capté par l’hyper-sensible jeune femme : des rails de train brisés sur une voie vide, avec les montagnes de Haute-Savoie pour horizon, une maison moderne à droite et une impression de vide sur les bas-côtés.
La photo originelle a été prise par Bernard, le compagnon de toute ma vie, Ninon l’a inversée, travaillée, c’est devenu totalement sa création. Le centre de la photo est plus clair, comme surexposé : l’irruption de ce passé obsédant dans le présent, ce passé qui détruit les couleurs de la vie et les transforme en gris, ce passé qui agit comme un filtre et déforme la perception des survivants. Et les caténaires le long de la voie, obsédants, menaçants. On pense à un camp, une prison. Il y a de l’étouffement dans cette photo pourtant ouverte sur les montagnes, cette photo où un virage devrait permettre toutes les échappées de l’imagination et de l’avenir. Mais il y a les rails brisés au premier plan qui occultent tout le reste.
C’est exactement ça. Les rails brisés de la guerre et là-bas, au loin, dans le virage, la vie qui se poursuit.
Merci, Ninon pour ce beau travail plein de finesse et de sensibilité. Dans un autre billet j’expliquerai pourquoi tu as tenu à faire cette couverture, toi qui es si occupée par ton entreprise Marks, mais seulement si tu le permets, et je ne suis pas sûre d’obtenir l’autorisation de quelqu’un d’aussi pudique que toi. En lisant les nouvelles, il est vrai que les lecteurs comprendront.
Cette histoire se passe en Indonésie, dans le village de Kaliabu, un gros village devenu prospère depuis moins de trois ans. Cela commence par un gros lot : un villageois chauffeur d’autocar de 45 ans remporte 400 dollars lors d’un concours international de design.
« Je venais d’apprendre le design trois mois auparavant auprès d’un ami », raconte Abdul Bar.
Par un autre ami il avait entendu parler des concours de design en ligne. Il cherche des détails sur ces concours, regarde les différents sites de graphisme, voit ce que les Occidentaux recherchent. Abdul gagne son premier concours grâce à son talent, sa réflexion et sa curiosité.
Il aurait pu se contenter de parader devant ses voisins et susciter leur jalousie devant sa bonne fortune. Pas du tout : il transmet son très récent savoir à quelques personnes du village qui partagent à leur tour leur science toute neuve avec d’autres, etc. Tout le village se met au design sur ordinateur.
Abdul a peaufiné une méthode pour augmenter ses chances de gagner : amélioration de sa culture du design grâce à certains sites et compréhension de ce qu’attendent les Occidentaux. Il transmet cette méthode aux autres.
Ces concours sont une mine d’or potentielle ; toutes les entreprises veulent avoir leur logo, qu’on les reconnaisse, qu’on les identifie parmi tous les concurrents, toutes, de la plus grande à la plus petite. Pour un petit commerçant américain cela ne coûte pas cher de lancer un concours de logos en ligne, mais dans le village de Kaliabu, le montant du prix représente une petite fortune. Par exemple le salaire mensuel d’un jeune homme qui a déjà remporté plusieurs concours était de 58 euros.
Avec des milliers de concours tous les ans, le village s’est mis à l’informatique et au design ; il a aussi appris l’anglais, parce que les traducteurs en ligne des conditions des concours étaient assez étranges. Je ne sais pas si vous avez déjà utilisé le traducteur automatique de Google…
Les villageois se sont mis à remporter presque tous les concours de design en ligne dans le monde ! Le village a changé de vie : transformation des conditions matérielles, bien sûr, mais également ouverture sur autre chose que la tradition. Le monde entier est entré à Kaliabu en même temps que le design, avec la culture et le graphisme occidentaux, une autre notion de la beauté a changé leur vie. L’argent des concours a permis à certains jeunes de payer des études dont ils n’auraient même pas rêvé avant le premier concours d’Abdul Bar le chauffeur et de tout ce qui en était suivi.
Les solidarités villageoises ont été renforcées alors que la modernité détruit souvent les liens ailleurs dans le monde. À l’heure où l’on étrangle la Grèce, berceau de notre civilisation, cette histoire vraie a de quoi faire rêver, non ?
Les designers de Kaliabu ont eu droit à un documentaire, ils ont leur notice Wikipédia, et bien sûr ils sont sur Facebook ! Ils ont créé une communauté appelée Rewo Rewo, qui désigne les voyous en javanais. Parce que personne n’a été exclu du savoir et que les mauvais garçons d’autrefois sont devenus des geeks comme les autres gens du village.
Kaliabu designer community, called Rewo Rewo