Comme neige : On dit « blanc comme neige », et le livre renvoie à un mystérieux roman intitulé Neige noire. On dit aussi « fondre comme neige au soleil », et c’est ce qui arrive aux certitudes de Constantin Caillaud. Il faut
Accepter l’irrésolu comme une possibilité de l’existence,
admit Constantin après la disparition mystérieuse d’un de ses amis, disparition qui lui laissa le champ libre auprès de Suzanne.
Constantin Caillaud, comptable dans une imprimerie, marié depuis vingt ans à Suzanne documentaliste dans un établissement scolaire et amant d’Hélène attachée de presse, passe un week-end calamiteux avec sa femme jusqu’à ce qu’il trouve dans le stock d’invendus soldés de la librairie du village Neige noire, un roman d’Émilien Petit. Constantin a tout lu d’Émilien Petit dont les livres se répondent comme autant de chapitres dans le désordre constituant in fine un livre unique, pourtant il n’a jamais entendu parler de ce roman. Mais le livre disparaît. Impossible de le retrouver. A-t-il jamais existé ? L’éditeur n’en a jamais entendu parler et l’auteur supposé s’est immergé dans l’oubli, tel un Salinger français. La quête de Constantin commence, truffée de personnes peuplant le monde de l’édition parisien, dont auteurs et éditeurs réels sont convoqués dans ce jeu oscillant sans cesse entre réalité et fiction.
L’auteur de Neige noire a-t-il voulu effacer son livre ? Est-ce un hapax, c’est-à-dire un objet littéraire unique, comme le suggère l’écrivain Olivier Rolin ? Ce dernier conseille également à Constantin de lire ou relire Le jardin aux sentiers qui bifurquent de Borges…
Mise en abîme, livre dans le livre, palimpseste fou, jeux de miroirs, tout y passe :
Marc inventait, reconstruisait sans cesse son mensonge, pour l’étoffer, le faire vivre – ne pas l’oublier, en somme. Sa peur d’être découvert se transformait en une angoisse dévorante qui lui valait de terribles insomnies. Sa perception du réel en souffrait, sa vie et son mensonge ne faisaient plus qu’un. (…) pouvait-il y avoir une sincérité dans la fiction ? Pouvait-il prétendre exister véritablement dans un réel qu’il avait construit de toutes pièces ?
Vous l’aurez compris, ce pauvre Constantin Caillaud n’a pas le profil du vainqueur dans ce jeu littéraire, mais le lecteur, lui, aura passé un moment jubilatoire et réfléchi aux effets de miroir déformants de la littérature. Miroirs ? Comme celui que Stendhal promenait le long du chemin ? Comme les éditions du Miroir où sont publiées les œuvres d’Émilien Petit ?
Au fait, Constantin Caillaud, initiales C.C. : copies carbone d’un autre âge et copies conformes. Constantin est la copie conforme d’Émilien Petit, son double noirci par le papier carbone sur une machine à écrire. Constantin comptable dans une imprimerie, Constantin publié aux éditions du Miroir reflète Émilien : cette danse constante sur le fil de la fiction et des mensonges de la littérature donne parfois le vertige !
L’auteure a réussi un livre réjouissant, borgésien, matois comme un chat qui jouerait avec une souris, où l’implication de personnes réelles du monde de l’édition (critiques littéraires, auteurs reconnus) ajoute un sel supplémentaire. Cette Colombe n’est pas blanche comme neige, mais vous allez beaucoup vous amuser si vous aimez la littérature à la lecture de Comme neige.
Quel plaisir ce petit livre ! Impossible de ne pas succomber à la malice de l’auteure et à son amour de la littérature.
Tout à fait! Un vrai bonheur que je suis ravie de partager avec vous, Nicole.