Archives mensuelles : septembre 2021

Le livre de ma mère d’Albert Cohen, un texte complaisant

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En ce moment, je pratique cette opération cruelle que les bibliothécaires appellent le désherbage. Pour faire de la place sur les rayonnages, les livres qui ne sont pas sortis depuis longtemps finissent sur les étagères Servez-vous.

Hier c’était au tour d’Albert Cohen et de son texte Le livre de ma mère, présenté comme « le chant d’amour le plus émouvant, le plus délicat, Un des plus beaux romans d’amour, Livre déchirant » et j’en passe. Comme les sensibilités ont changé !

Pour ma part, j’ajouterai : livre irritant, où l’auteur imbu de lui-même s’affirme avec une naïveté complaisante et emberlificotée.

Rien n’est plus cruel que le vieillissement d’un style, et ce texte paru en 1954 en est la preuve :

Allongée et grandement solitaire, toute morte, l’active d’autrefois, celle qui soigna tant son mari et son fils, la sainte Maman qui infatigablement proposait des ventouses et des compresses et d’inutiles et rassurantes tisanes, ankylosée, celle qui porta tant de plateaux à ses deux malades, allongée et aveugle, l’ancienne naïve aux yeux vifs qui croyait aux annonces des spécialités pharmaceutiques, allongée, désœuvrée, celle qui infatigablement réconfortait.

Cette mère en adoration devant son fils, est morte toute seule en 1943 pendant que son fils se trouvait à Londres. Continuer la lecture

Le livre de ma mère
Albert Cohen
Gallimard, avril 1974, 192 p., 6,30 €
ISBN : 978-2070365616

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L’anomalie du train 006 de Pascal Fioretto : un pastiche réjouissant

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Comment devient-on un excellent pasticheur ? En étant un grand lecteur, pour commencer, capable de repérer les thèmes récurrents de l’écrivain qu’il a pris pour cible, ses tics d’écriture et sa façon de penser. Dans L’Anomalie du train 006, Pascal Fioretto fait soliloquer ses victimes qui sont immédiatement identifiables par ses lecteurs. Ses victimes ? Oui, parce qu’un bon pasticheur doit saupoudrer son texte de méchanceté qui agit comme un acide sur une plaque de métal et la rend plus brillante.

Pascal Fioretto adore surfer sur la vague et parodier des auteurs au style extrêmement varié, choisissant à chaque fois l’ouvrage auquel personne n’a pu échapper en son temps : Sérotonine de Michel Houellebecq devint Mélatonine, L’Élégance du hérisson de Muriel Barbery se transforma en L’Élégance du maigrichon, quant à Marc Lévy, son célébrissime Et si c’était vrai vira en Si c’était niais. Redoutable.

Autant dire que, avec son million d’exemplaires vendus pour L’Anomalie, prix Goncourt 2020, Hervé Le Tellier ne pouvait lui échapper. Continuer la lecture

L’Anomalie du train 006
Pascal Fioretto
Éditions Herodios, juin 2021, 144 p., 16€
ISBN : 978-2-940-66629-4

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